Annales des Mines (1896, série 9, volume 5, partie administrative) [Image 35]

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CAISSES DE SECOUES ET DE RETRAITES

Messieurs, Lorsque, au lendemain de la promulgation de la loi du 29 juin 1894, un de mes prédécesseurs vous réunissait pour vous installer et vous permettre de vous constituer, bien rares étaient ceux qui croyaient à la réalité et à l'efficacité de votre action. On discutait la nature et la portée de votre juridiction que la loi n'avait pas, disait-on, suffisamment définie. Les uns pensaient qu'ouvriers ou exploitants, peut-être même les uns et les autres, reculeraient effrayés devant l'étendue des pouvoirs sans contrôle et sans appel dont vous étiez investis. D'autres présumaient que les contestations que pourraient soulever les détails d'une procédure trop vaguement déterminée feraient sombrer la plupart des recours. Les mieux intentionnés craignaient que, si vous arriviez à rendre une sentence, elle ne fût par avance méconnue et infirmée par la partie à laquelle elle déplairait. Rien de tout cela n'est arrivé. Une fois de plus, grâce à vous, l'optimisme des législateurs républicains a reçu une consécration nouvelle. Vous avez été saisis de dix-neuf affaires concernant les mines les plus considérables de tous les districts : le Nord, le Pas-deCalais, la Loire, le Tarn, le Gard et les Bouches-du-Rhône. Ces affaires intéressaient 42.000 ouvriers, le tiers de ceux occupés dans l'industrie extractive et, si l'on écarte les ouvriers employés dans les mines dotées d'institutions patronales, lesquels ne pouvaient jamais avoir recours à votre juridiction, c'est la moitié de ceux qui pouvaient légalement être vos justiciables qui a opté pour l'être. Votre noble et rude tâche est terminée, Messieurs ; vous venez de rendre votre dix-neuvième et dernière sentence. Permettez-moi d'apprécier votre œuvre en quelques mots. Unes par l'esprit de conciliation dont on sent que vous vous êtes toujours inspirés, vos sentences ont varié suivant les circonstances particulières propres à chaque entreprise. Vous avez su tenir compte du degré de prospérité de chaque affaire, faisant ainsi bénéficier les ouvriers, dans une mesure appropriée, d'une sorte de partage des bénéfices. Vous n'avez pas craint de diminuer les pensions promises, voire même allouées, quand les faits vous ont montré qu'elles résultaient d'engagements d'une témérité excessive. Vous avez, en revanche, tenu à donner, autant que faire se pouvait, un effet rétroactif aux principes les plus essen-

DES OUVRIERS MINEURS.

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tiels de la loi du 29 juin 1894, en assurant toujours à l'ouvrier qui quittera l'entreprise une partie importante de la pension acquise par ses versements antérieurs. Vous avez ainsi statué dans un labeur fécond patiemment poursuivi, sans qu'aucun bruit du dehors vous ait averti d'une difficulté de fait ou de procédure qui serait survenue quelque part. Sur aucun point du territoire, vos sentences n'ont été contestées ou même discutées par les intéressés. Toutes sont déjà entrées en application régulière sans réserve ni protestation. Était-il possible d'espérer succès plus considérable et plus complet ? C'est de tout cela, Messieurs, que je tenais à vous remercier. Vous avez rendu un immense service non seulement à l'industrie extractive et à l'Administration des travaux publics, mais à la paix sociale elle-même. N'avez-vous pas donné un enseignement particulièrement fécond en montrant quelles ressources peut offrir, pour le maintien de la concorde entre ouvriers et exploitants, un arbitrage librement consenti par les deux facteurs de l'industrie nationale, lorsque la solution du litige est remise à des arbitres consciencieux et soucieux de leurs devoirs ? Nos remerciements vous reviennent plus spécialement à vous, Messieurs, qui, en qualité de membres permanents, avez dû connaître de toutes les affaires et avez eu la mission de les instruire; mais je manquerais à un devoir si je ne remerciais également ceux que les parties intéressées vous ont adjoints dans chaque affaire. C'est grâce à leur concours qu'il vous a été possible de statuer en pleine connaissance de cause et d'arriver à une conciliation souvent absolue. Pour tant d'efforts dépensés et tant de travail accompli, pour de si grands résultats obtenus, permettez-moi, Messieurs, de vous dire à tous, membres permanents et membres adjoints, en déclarant votre tâche terminée : « Merci, au nom du Gouvernement, merci au nom du pays tout entier. »