Annales des Mines (1888, série 8, volume 7, partie administrative) [Image 145]

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JURISPRUDENCE.

Considérant que l'appréciation des fautes commises dans l'exécution des contrats est réglementée parles mêmes articles: — que sans doute les parties peuvent, en contractant, stipuler que certains risques seront àla charge de tel ou tel contractant; — que c'est là une convention parfaitement licite; — qu'ainsi le patron peut se l'assurer de ses propres ouvriers; mais que les parties ne peuvent réglementer par avance les conséquences pécuniaires des fautes qu'elles commettront, tout ce qui constitue une faute présentant nécessairement le caractère délictueux ou quasi délictueux, qu'autant que cette réglementation se fait à raison de ce caractère et sous la forme transactionnelle, mais que la transaction exige un crédit (art. 2044 du Code civil), la transaction faite entre le patron et l'ouvrier pour prévenir une contestation à naître et portant sur l'intérêt civil résultant du délit n'empêchant pas d'ailleurs l'action du ministère public (art. 2046); Considérant, par suite, que l'appréciation des fautes commises par les parties contractantes dans les rapports naissant pour elles du contrat doit être faite selon la clause de la transaction si elle est rapportée ; que la clause transactionnelle dont s'agit n'est ni de la nature ni de l'essence du contrat de louage; que les termes de l'article 1710 du Code civil répugnent à une telle extension; — que le législateur de 1804 n'a pu prévoir les risques si fréquents et si nombreux que le développement et le progrès de l'industrie font courir à la vie des ouvriers; — que le juge ne peut faire œuvre législative, imposer d'autorité aux parties des conventions qu'elles n'ont pas arrêtées, sous peine de commettre un excès de pouvoir et de faire du socialisme d'Etat; — qu'une clause expresse du contrat est donc nécessaire pour établir la responsabilité du patron, en dehors des règles tracées par les articles 1382 et suivants; Considérant qu'il y a lieu tout particulièrement en la cause de suivre cette règle d'interprétation; — que les ouvriers des mines de Saint-Hilaire ont fondé, sous les auspices de Decitre, une caisse de secours destinée à venir en aide aux ouvriers de la mine de houille en cas d'accident; — que cette caisse assure aux ouvriers blessés une somme de un franc par jour jusqu'à parfait rétablissement et, en outre, les remèdes et les soins médicaux; — qu'en cas de mort d'un ouvrier, par suite d'accident survenu dans la mine, la veuve a droit, sa vie durant, ainsi que ses enfants jusqu'à un certain âge, à des secours fournis par cette caisse ;

JURISPRUDENCE.

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Considérant que l'existence de cette caisse et la participation de Decitre à son fonctionnement qui sont des faits constants au procès prouvent que les parties contractantes sont restées sous l'empire du droit commun en ce qui concerne l'action en responsabilité; Considérant que la faute commise dans les rapports entre les parties contractantes doit s'apprécier plus strictement que celle commise par une personne au préjudice d'une autre personne avec laquelle elle n'est liée par aucune convention ; — que la faute contractuelle diffère de la faute aquilienne en ce sens qu'elle doit plus facilement être admise par le juge; — que la faute contractuelle doit elle-même être appréciée plus ou moins sévèrement selon la nature des contrats; Considérant que le contrat de louage de services oblige le patron à protéger l'ouvrier, non seulement contre les accidents résultant de l'insuffisance ou du vice de son outillage, mais encore contre ceux qui sont dus à l'imprudence de l'ouvrier et auxquels le patron pouvait remédier à l'aide de certaines précautions qu'il devait imposer à son ouvrier; Mais considérant qu'aucun fait d'imprudence ou de négligence n'est relevé en l'espèce à la charge de Decitre ; — que li cause qui a déterminé la fracture des tirefonds assujettissant la plaque qui est tombée au fond du puits reste absolument inconnue; — que les tirefonds, dont l'un a été représenté au tribunal, ont un caractère de solidité très apparent ; — que MM. les ingénieurs des mines et le ministère public n'ont vu dans le fait du 4 août 1884 le principe d'aucune responsabilité judiciaire; que l'on se trouve en présence d'un cas fortuit; Considérant sans doute qu'Augot, par conclusions prises à la barre à l'audience du 6 janvier, se conformant à la règle de l'article 1386, a demandé à prouver : 1° que l'accident est arrivé par suite de la mauvaise installation et du défaut d'entretien du matériel, résultant d'un manque de prévoyance et de surveillance de la part de Decitre ; 2° qu'il est arrivé par suite d'une fausse manœuvre exécutée par un ouvrier au service de Decitre; Mais considérant d'abord qu'ainsi que le fit remarquer Decitre par ses conclusions en réponse, également prises à la barre, si les faits cotés sont pertinents, ils manquent de précision et ne permettent pas à Decitre de faire la preuve contraire qui doit toujours lui être réservée ; Considérant au surplus que par suite de la lenteur apportée I«r Augot dans l'introduction de cette action, une année s'étant