Annales des Mines (1884, série 8, volume 3, partie administrative) [Image 208]

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JURISPRUDENCE.

les trois contraventions aux lois sur les exploitations de mines à 100 francs d'amende pour chacune d'elles, soit 300 francs et aux dépens.

II. Arrêt rendu, le 7 mai 1884, par la Cour d'appel de Lyon. (EXTRAIT.)

Il est constant en fait que, pendant l'exploitation de la mine de la Barallière, conduite depuis le Ie mars 1881 au 4 décembre suivant par le prévenu C en sa qualité d'ingénieur directeur, un empiétement considérable a été commis de cette mine sur la mine voisine de Terrenoire, appartenant à la société des houillères de Saint-Étienne. Suivant rapport des experts, les traçages exécutés dans la concession de Terrenoire par la compagnie de la Barallière ont dépassé d'au moins 80 mètres la limite de celle-ci, envahi une région complètement vierge, et enlevé une étendue de couche de .... mètres carrés; on peut évaluer la perte du massif ainsi exploité au préjudice de la société des houillères à .... tonnes estimées .... francs. La prévention impute à C d'avoir prescrit et dirigé avec connaissance l'empiétement ci-dessus énoncé et d'avoir, à l'aide des travaux ainsi menés frauduleusement soustrait une certaine quantité de houille au préjudice de la société des houillères. En droit, La propriété minière mérite, au même titre que les autres, d'être protégée contre toute atteinte ; en l'absence d'une dérogation formelle et dans le silence de la loi spéciale du 21 avril 1810, elle demeure placée sous l'empire du droit commun, et elle est dès lors garantie contre toute soustraction frauduleuse par les dispositions des articles 379 et suivants du Code pénal. A la vérité l'occupation même frauduleuse d'un immeuble ne peut constituer un vol, puisque l'un des éléments essentiels de cette infraction est la soustraction, c'est-à-dire l'appréhension et le déplacement de l'objet soustrait; le vol ne peut avoir pour objet que des choses mobilières; mais il importe de distinguer avec soin l'empiétement qui porte sur la mine, et qui n'est que l'acte préparatoire de la soustraction, et la soustraction elle-même qui a pour objet la houille et qui ne s'accomplit qu'alors que, parle travail du mineur, celle-ci a été détachée du sol, est ainsi devenue meuble, aux termes de l'article 9 de la loi du 21 avril

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1810, et par le fait même du détachement est devenue susceptible d'être manuellement appréhendée, transportée hors des galeries d'extraction et transmise à des tiers. La soustraction d'une quantité considérable de charbon ainsi mobilisé et appartenant à autrui est constante et reconnue; il suffit, dès lors, de rechercher en fait si elle est imputable à C..., et s'il l'a commise frauduleusement. En fait, toutes les pièces de l'information et les débats de l'audience démontrent que tout s'est fait par les ordres de lui-même; en réalité, il dirigeait seul l'exploitation, donnait personnellement ses instructions aux gouverneurs et se faisait rendre compte par eux de l'état des travaux; il est à diverses reprises descendu dans la mine. L'abandon par les exploitants antérieurs de cette partie de la concession antérieurement déhouillée, l'état des travaux poussés jusqu'à la limite qui cependant n'avait pas encore été franchie, la faible distance qui séparait de cette limite l'ouverture au jour, étaient autant d'indications formelles sur lesquelles un ingénieur aussi habile que C... ne pouvait se méprendre; dès lors, en prescrivant l'avancement des travaux dans cette direction, il ne pouvait ignorer qu'il empiétât sur la mine voisine; dès le début de l'exploitation illicite, des avis sans cesse répétés lui ont été donnés; ils l'ont si nettement éclairé sur la portée de l'acte qu'il accomplissait qu'il a cherché à calmer les appréhensions et les scrupules de ses agents en leur annonçant mensongèrement qu'il s'était entendu avec le directeur de la société des Houillères pour une amodiation de la partie de mine envahie; il en est de même de l'attitude de C... lors de la visite faite dans les travaux de la Barallière le 9 novembre 1881 par Raphanel, garde-mines principal, et lors de l'expertise confiée à MM. *** par ordonnance de référé du 22 novembre 1881, à la requête de la société des Houillères; le prévenu n'a cessé d'entraver leurs opérations, soit en produisant devant eux un plan falsifié sur lequel il avait eu soin de faire effacer l'indication des travaux d'empiétement, soit en faisant dresser dans les galeries de la mine trois barrages qui avaient pour but de leur interdire l'accès de ces mêmes travaux. Toutes ces circonstances établissent avec évidence que l'empiétement a été fait avec connaissance et frauduleusement ; il est impossible de n'y voir qu'une simple erreur, que l'étendue seule des travaux illicites rend absolument inadmissible. D'un autre côté, C... soutient en vain que l'empiétement a été