Annales des Mines (1884, série 8, volume 3, partie administrative) [Image 107]

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En consacrant, par des motifs d'intérêt public, le principe des concessions de mine, la loi du 21 avril 4810, tout comme celle du 27 juillet 1791, s'est occupée, par des dispositions absolument distinctes, de tout ce qui pourrait intéresser les propriétaires de surface ; ainsi l'on voit, dans les articles 11, 15, 47 et 50 de la loi de 1810, que la plus grande sollicitude a été apportée pour garantir les propriétaires de surface, non seulement contre les travaux capables de compromettre la sûreté du sol et des édifices, mais encore contre ceux qui n'auraient pour résultat que de troubler un propriétaire dans l'asile de ses jouissances domestiques. En effet, dans l'article 13, le législateur, prévoyant le cas où des travaux seraient dirigés sur des maisons ou lieux d'habitation ou dans leur voisinage immédiat, impose au concessionnaire l'obligation de donner caution de payer toute indemnité en cas d'accident; il suppose aussi que les propriétaires de maisons ou lieux d'habitation peuvent être intéressés a s'opposer à ces travaux, et il les renvoie alors a se pourvoir devant les tribunaux; d'après les articles 47 et 50 de la loi du 21 avril, 18 et 30 du décret du 18 novembre 1810, les ingénieurs sont chargés d'exercer une surveillance de police sur les mines, et doivent dénoncer au directeur général, aux préfets, aux procureurs près les cours et tribunaux, les travaux qui compromettent la sûreté publique ou celle des habitations de la surface, et le préfet est tenu d'y pourvoir d'office, ainsi qu'il est pratiqué en matière de grande voirie et selon les lois. Dans les articles 11 de la loi de 1810 et 23 de la loi de 1791, la sollicitude du législateur se manifeste encore d'une manière plus spéciale; il ne s'agit plus, dans ces articles, de travaux pouvant compromettre la solidité des édifices ou des lieux d'habitation, mais de simples travaux à la surface, dont l'établissement, sur un terrain qui est censé constituer le domaine agréable du propriétaire, apporterait un véritable trouble a sa jouissance; dans cette hypothèse, l'article 11 de la loi de 1810 interdit aux concessionnaires le droit de faire des sondes et d'ouvrir des puits ou galeries, d'établir des machines ou magasins dans les enclos murés, cours ou jardins, ou dans les terrains attenants aux habitations ou clôtures murées, dans la distance de 100 mètres desdites clôtures ou habitations, sans avoir obtenu le consentement formel du propriétaire de la surface. Il n'est pas présumable que le législateur ait encore eu en vue, dans cet article, la solidité des édifices et des habitations,

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puisque cette solidité est, ainsi qu'on vient de le voir, suffisamment garantie par les dispositions des articles 15, 47 et 50; cela paraît d'autant moins douteux que l'article 11 n'embrasse pas seulement, dans sa prohibition,l'ouverture des puits ou galeries; mais encore les sondes, les machines, les magasins dont l'établissement, tout à fait inoffensif, ne peut en aucune manière nuire à la solidité des édifices; on puise, en faveur de cette interprétation, un argument invincible dans l'article 23 de la loi de 1791, dont les dispositions sont évidemment le type de l'article 11 de la loi de 1810; en effet, d'après la loi de 1791, les enclos murés, les cours, jardins, prés, vergers et vignes, sont seuls compris dans l'exception, tandis que les simples .terres arables, les champs incultes, restent à la disposition du concessionnaire, qui est libre d'ouvrir ses fouilles dans les terrains de cette nature, et à la proximité des bâtiments, quel qu'en soit d'ailleurs le propriétaire et sans son consentement. L'article 11 ne parle que des mines sans faire mention des carrières dont le propriétaire de la surface peut toujours pousser l'exploitation par puits à moins de 100 mètres de distance des habitations et clôtures murées; il n'existe aucun motif pour ne pas appliquer le même principe aux mines, quand les terrains situés dans la distance de 100 mètres n'appartiennent pas aux propriétaires de l'habitation et de la clôture murée, les concessionnaires de mines devant être, au contraire, d'après l'esprit de la législation sur cette matière, environnés de plus de faveur que les extracteurs de carrière, et les travaux d'une mine n'étant, pas plus que ceux d'une carrière, de nature â compromettre la sûreté du sol; le silence gardé a cet égard s'explique naturellement, puisque le droit d'exploiter les carrières n'étant point, comme celui d'exploiter les mines, indépendant de la propriété delà surface, il devenait inutile de consigner dans la loi une disposition prohibitive qui aurait été sans objet. Si le législateur eût voulu prohiber les travaux d'un concessionnaire dans tous terrains sans distinction , à l'enlour des enclos murés ou des habitations, il se serait borné à dire dans l'article 11 qu'on ne pourrait les établir dans la distance de 100 mètres des habitations ou des clôtures murées, en supprimant ainsi ces mots, dès lors inutiles, « dans les terrains attenants aux habitations ou clôtures murées », mots qui, par la corrélation qui existe entre eux, expliquent assez qu'il ne s'agit, dans cet article, que des terrains dépendant ou faisant partie des habitations ou des clôtures murées.