Annales des Mines (1883, série 8, volume 2, partie administrative) [Image 189]

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usines à moteurs mécaniques, tous les appareils qui présentent une cause de danger ; l'article 2 du décret réglementaire du i3 mai 1875, rendu en exécution de cette loi, interdit d'employer les enfants au-dessous de seize ans dans les ateliers qui mettent en jeu des machines dont les parties dangereuses et pièces saillantes mobiles ne sont pas couvertes de couvre-engrenages, de garde-mains ou autres organes protecteurs. L'accident dont le jeune Gamerre, apprenti âgé de moins de seize ans, a été victime, a été occasionné par un arbre de transmission delà machine de l'imprimerie Olive à Marseille; la poursuite dirigée contre Olive à raison de cet accident, était fondée sur l'inobservation des dispositions légales précitées, en ce que cet arbre de transmission, qui fonctionnait à découvert dans l'atelier même dans lequel Gamerre était employé, aurait dû être considéré comme une partie essentiellement dangereuse de la machine qui le mettait en jeu, et muni, en conséquence, d'un organe protecteur. L'arrêt attaqué, qui a prononcé le renvoi du prévenu des fins de la poursuite, ne fait connaître, ni dans l'indication des causes de l'accident, ni dans la description de l'appareil qui l'a occasionné, les circonstances qui seraient de nature à établir que cet appareil ne devait pas être considéré comme dangereux; l'exposé même des moyens de la défense que l'arrêt reproduit en les résumant, ne relate pas ces circonstances avec précision ; il contient plutôt une affirmation de l'innocuité de l'appareil qu'une discussion des faits qui lui auraient donné ce caractère. D'ailleurs, l'arrêt attaqué ne s'approprie même pas ces moyens d'une manière expresse, et ainsi ces motifs sont, dans cette partie, à la fois insuffisants et équivoques et ne peuvent servir de base au relaxe du prévenu. D'autre part, les juges font, dans les autres constatations de l'arrêt attaqué, une appréciation erronée des conditions légales du délit imputé à Olive ; ils s'attachent, en effet, à établir la justification du prévenu sur une double imprudence qu'aurait commise la victime en montant et s'asseyant sur l'arbre de transmission et en portant des vêtements trop longs. Mais l'auteur reconnu de blessures involontaires n'est pas affranchi de la responsabilité pénale par les imprudences que la victime a pu commettre elle-même, si la faute personnelle qui est le fondement de cette responsabilité demeure nettement établi à sa charge; ce principe doit être plus rigoureusement appliqué Iorsqu'i s'agit d'enfants que la loi a entendu protéger de la manière la

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plus efficace contre leurs propres imprudences, en prescrivant l'adoption de dispositions matérielles de nature à écarter d'eux, par elles-mêmes, dans la limite des prévisions possibles, toute cause de danger. L'arrêt attaqué fonde encore le renvoi du prévenu sur ce qu'il ne serait pas établi qu'il a commis, avec intention, l'inobservation des règlements qui lui était imputée. Mais l'inobservation des règlements qui est l'un des éléments constitutifs du délit de blessures involontaires, est indépendante de l'action. Elle existe par le seul fait de l'infraction, dès que les-règlements ont été légalement publiés et sont devenus exécutoires. De cet ensemble de constatations, il résulte que l'arrêt attaqué ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer utilement le contrôle qui lui appartient. En présence de motifs dont les uns sont manifestement erronés et les autres équivoques et incomplets, la Cour ne peut vérifier, ni si le rejet de la prévention a été motivé par une application juridique de l'inobservation des règlements imputée au prévenu, ni si les juges, en tenant cette inobservation pour constante, ont considéré seulement les faits comme ne réunissant pas les autres caractères légaux du délit, objet de l'incrimination. Ainsi, à ce double point de vue, l'arrêt est insuffisamment motivé. Par ces motifs, la Cour casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix, chambre correctionnelle, en date du 3 juin 1882 ; Renvoie la cause et le prévenu devant la Cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle.

III. Arrêt rendu, le

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avril i885, par la Cour d'appel de Ntmes. (EXTRAIT.)

Le 4 avril i883, à Marseille, le jeune Gamerre, enfant âgé de moins de seize ans, employé à l'imprimerie Marseillaise, dirigée par le prévenu, se trouvait dans un atelier du premier étage dont la presse est mise en mouvement par un arbre de couche ou de transmission portant près de la muraille un collier en métal fixé à l'aide d'écrous; sa blouse s'enroula dans l'arbre de transmission; il fut entraîné dans le mouvement de rotation et reçut des blessures très graves qui ont mis ses jours en danger. Les circonstances dans lesquelles l'accident s'est produit n'ont DÉCRETS, l885. 26