Annales des Mines (1880, série 7, volume 9, partie administrative) [Image 38]

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ayant pour but d'adoucir et d'élever la condition de ses employés, telles qu'écoles gratuites, médicaments, médecins, caisses de secours et de retraites, maisons louées à bas prix, etc. En Belgique, en Angleterre, où la population ouvrière est très dense et les compagnies plus petites et très rapprochées les unes des autres, celles-ci n'ont pas à subir ces dépenses additionnelles; elles ne consultent, dans leurs rapports avec leurs ouvriers, que la loi de l'offre et de la demande; elles réduisent ou renvoient, reprennent ou augmentent leur personnel, suivant le cours plus ou moins élevé de la marchandise. Il faut ajouter que les filles et les femmes, dont la main-d'œuvre est à plus bas prix, ne sont pas employées en France et le sont, au contraire, très notablement dans les charbonnages de l'étranger et surtout de la Belgique, où la proportion des femmes s'élève à 6 et 7 p. ioo et celle des filles à 5 p. 100. On a aussi invoqué, pour le maintien du droit d'entrée, l'intérêt fiscal. Ce droit est prévu, en effet, au budget de 1880 pour une recette de 9.28Z1.000 francs, et, malgré l'état prospère de nos finances, cette considération a son prix. Mais la considération principale, c'est celle de la situation que ferait aux charbonnages et à leurs ouvriers la suppression de cette légère compensation. Des capitaux très importants sont engagés dans l'industrie houillère ; ils sont évalués par les déposants à la somme de 5oo millions de francs. Le chiffre de if,25 nous a été donné comme étant, dans la plupart des compagnies, le seul bénéfice net qu'elles réalisent ou même la seule marge qui les sépare de la nécessité de liquider. Supposez-le supprimé en ce moment, les compagnies se verraient forcées, les unes de suspendre leur exploitation, les autres de réduire le personnel et le salaire. De là des ruines, des misères, peut-être de nouvelles grèves, et l'on sait ce que sont les grèves dans un bassin, où elles risquent de soulever à la fois Zlo.ooo ouvriers. L'abolition du droit d'entrée ne peut se défendre par la pensée de stimuler les compagnies; car on a vu comme elles ont d'ellesmêmes progressivement accru leur production; les bénéfices de 1870 ont surtout servi à exécuter des travaux préparatoires. Dans le bassin du Nord, ces travaux d'outillage se sont élevés à 100 millions de francs au moins et permettent d'y porter l'extraction annuelle de 7 à 10 millions. Objections contre le maintien du droit d'entrée. — En sens inverse et pour la suppression immédiate ou prochaine du droit sur

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la houille, diverses considérations ont été développées devant votre commission. Cette suppression a été notamment réclamée par les chambres de commerce de Paris, Lyon, Bordeaux, Reims et Saint-Étienne. On a fait remarquer, dans ce sens, que la houille est l'élément nécessaire de l'industrie, que la cherté de ce produit indispensable était un des griefs les plus fréquemment invoqués par les industriels à l'appui de leurs doléances, et que, par suite, ce serait leur apporter une aide suffisante ou au moins considérable que d'abolir la taxe sur les charbons étrangers. La plupart des industriels qui ont déposé devant nous n'ont pourtant pas demandé cette abolition ; plusieurs même ont formellement protesté contre la pensée que cette suppression pourrait avoir une influence notable sur la situation de leurs industries. Nous nous contenterons de citer l'un des représentants de la métallurgie, qui a cependant un si grand intérêt au bas prix du charbon. Suivant M. Martelet, « la suppression de ce droit n'aurait d'autre résultat que de remplacer un certain tonnage de combustible indigène par un tonnage égal venu de l'extérieur ». C'est qu'en effet, ce qui fait la cherté de la houille, c'est le prix élevé du transport. Ce droit de i',2o représente à peine 5 p. 100 de la valeur du charbon sur les lieux de consommation. Qu'est-ce qu'un droit de i',2o sur une tonne de houille qui ne coûte au producteur étranger que 6 francs et qui est revenue au consommateur français parfois à 3o ou iio francs? Il ne grève donc que bien faiblement les articles fabriqués qui ont un peu de valeur. Ajoutons, pour en finir sur ce point, que le conseil supérieur du commerce s'est prononcé à l'unanimité pour le maintien du droit sur la houille à titre de droit fiscal. L'exemple des nations étrangères a été invoqué à l'appui de l'abolition de la taxe d'entrée. On a dit que la France était seule avec l'Espagne à frapper d'un droit les charbons étrangers. Le fait n'est pas absolument exact. Il faut ajouter les États-Unis. Quant aux autres nations, il est juste de mettre tout d'abord hors de cause toutes celles qui ne produisent pas de charbon ou qui n'en produisent qu'en si faible quantité qu'elles doivent, comme l'Autriche, l'Italie, la Grèce, la Turquie et même la Russie, faire appel à l'étranger. Quant aux trois nations concurrentes, il ne faut pas oublier que l'Angleterre produit environ 1Z10 millions de tonnes, soit près de la moitié de la production du monde entier, que l'Allemagne en extrait plus de Z10 millions, qu'enfin la Belgique tire