Annales des Mines (1880, série 7, volume 9, partie administrative) [Image 10]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

i8

JURISPRUDENCE.

changements dus aux progrès de la science, à la construction des chemins de fer et à l'ouverture des canaux, à l'emploi des moteurs à vapeur, à l'augmentation de la population, à l'accroissement de la production et de la consommation, et de réparer certaines omissions échappées aux législateurs de 1810. Les modifications portent sur les articles 11, 20", 26, lis, 45, 44, 5o, 70, 81 et 82 de la loi du 21 avril 1810. Article 11. — Avant d'entreprendre l'exploitation d'un gisement, le plus souvent il faut le reconnaître par des travaux préliminaires, fouilies, sondages, galeries, puits, etc., qui conduisent à la découverte de la mine. Le droit d'exécuter ces recherches appartient d'abord au propriétaire de la surface, ainsi qu'il résulte de l'article 55î du code civil et de l'article 12 de la loi de 1810; ensuite ce droit peut être conféré à des tiers: il importe, en effet, que l'administration soit en mesure de surmonter la mauvaise volonté d'un propriétaire dont l'opposition aurait pour résultat de priver la société des richesses minérales cachées dans les profondeurs du sol ; par l'article 10 de la loi précitée, le gouvernement se trouve investi de cette faculté. L'article n crée une servitude en faveur du propriétaire, en même temps qu'il édicté une prohibition se référant, non seulement aux travaux de recherches, mais encore aux travaux exécutés par les concessionnaires ; il est donc d'une application journalière dans l'exploitation des mines. Aux termes de cet article, le propriétaire d'une habitation ou d'une clôture murée peut s'opposer à l'entreprise de ces travaux et à rétablissement de machines ou magasins dans tous les terrains attenant à ces immeubles dans la distance de 100 mètres. Cette disposition a donné jieu à de nombreux procès; on s'est demandé si elle était applicable alors que le propriétaire des habitations ou clôtures ne possédait pas, en même temps, le terrain sur lequel les travaux s'exécutaient; sur. ce point, la jurisprudence a présenté, pendant plusieurs années, le spectacle d'une grande divergence. D'un côté, les cours d'appel soutenaient que l'opposition du maître de la maison ou de l'enclos ne devait avoir d'effet que lorsqu'il était propriétaire du terrain (Douai, 5 décembre 1808 ; Lyon, 7 décembre 18Û9; Dijon, 10 juillet i853); d'un autre côté, la cour de cassation se prononçait dans un sens entièrement opposé (Cassation, 21 avril i8a3; requêtes, 23 janvier 1827, Lyon, 25 juin i855; Cassation, 1" août i843; 28 juillet i852; Chambres réunies, 19 mai 1856 ; requêtes, 3i mai 1859) et décidait que la

JURISPRUDENCE.

ig

défense portée dans l'article n était générale. La cour suprême ayant toujours maintenu cette doctrine, les cours d'appel ont fini par l'adopter. Si cette question a une certaine importance au point de vue juridique, elle en a une bien plus grande par ses conséquences pratiques. De nombreux propriétaires d'enclos et d'habitations ont profité des immeubles existants pour user de leur droit de veto; d'autres n'ont pas craint de construire des maisons ou des clôtures, afin d'obliger les concessionnaires à acheter le droit de foncer un puits dans la zone de protection créée par l'article 11 ; c'est ce que l'on a appelé l'industrie des clôtures. Voici un exemple, qui montrera comment certains intéressés la pratiquent. Dans un département du centre, une compagnie puissante exploite des minerais dans un périmètre renfermant une surface en grande partie au même propriétaire ; celui-ci, pour entraver les travaux de la mine, avait imaginé, il y a quelques années, un système de constructions admirablement combiné. Il faisait préparer, dans une ville voisine, de petites maisons en bois et en briques, expédiait des matériaux et, peu de jours après, quelques ouvriers suffisant pour assembler et élever le tout, on pouvait admirer, dans le périmètre concédé, de nouveaux édifices avec l'écriteau : Maison à louer. Ces constructions étaient disposées de manière à créer, avec les anciennes habitations, un damier ne laissant pas de case assez vaste pour placer aucun des travaux visés par l'article n, et cela sur une étendue de plus d'un kilomètre et de 4 à 5oo mètres de large, dans la partie la plus riche du filon. Grâce à ce procédé, toute installation était impossible sur une immense surface et le concessionnaire, qui ne pouvait creuser des puits à proximité du gisement, était condamné, pour l'atteindre, à faire des travaux souterrains longs et coûteux. La restriction qui soustrait à la servitude de la mine les fonds de la surface, « asile des jouissances domestiques », comme l'ont dit les auteurs de la loi de 1810, est assurément très sage; mais pourquoi pousser le respect de cet asile au point de défendre aux concessionnaires ce qui est permis à tous? Par exemple, un exploitant ne peut construire aujourd'hui un magasin dans la zone de servitude, tandis que tout autre que lui a la faculté de l'établir; il lui est interdit de déposer les produits de son exploitation dans cette zone, sans l'autorisation formelle du propriétaire, et l'on voit cependant des dépôts de combustible