Annales des Mines (1879, série 7, volume 8, partie administrative) [Image 82]

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qu'il pouvait le faire ; il s'est efforcé de n'insérer dans la loi que les exceptions aux règles du droit commun nécessitées par la nature spéciale de la propriété minière. Regnaud de Saint-Jeand'Angély l'a nettement formulé, dans le passage suivant : « La loi sur les mines renvoyant au droit commun sur toutes les règles des intérêts particuliers, on est débarrassé, pour sa rédaction, de toutes les difficultés que présentaient les exceptions multipliées ». De là on peut conclure que tous les dommages, quels qu'ils soient, pouvant résulter de l'exploitation d'une mine, doivent être traités comme ceux qui peuvent provenir de la jouissance d'une propriété de droit commun, sous la seule réserve des exceptions formellement stipulées par la loi spéciale; celles-ci, d'ailleurs, comme toutes les exceptions législatives, doivent être strictement limitées aux cas pour lesquels elles sont faites. En ce qui concerne les dommages causés à la propriété superliciaire, la seule exception au droit commun consisterait dans la caution stipulée par l'article i5 en faveur de la propriété bâtie. Or les articles du code civil sur la matière sont les articles i38a et i383, d'une part, et 11/19, de l'autre. Les deux premiers définissent les cas où la responsabilité de l'auteur du dommage peut être engagée; le troisième détermine les éléments de l'indemnité, qui doit être do la perte qu'en a faite et du gain dont on a été privé. D'après les articles i382 et i583, tout fait quelconque n'en, traîne pas forcément une réparation au profit de celui qui peut en souffrir un dommage ; il faut un fait illicite, une faute commise avec ou sans intention de nuire de propos délibéré, par imprudence ou négligence. Le fait seul ne suffit pas pour créer la responsabilité; il faut la faute matérielle ou juridique; il faut qu'il y ait, suivant la distinction fondamentale, des droits violés et non pas seulement des intérêts lésés. Sans doute, en matière de droit commun, les tribunaux interprètent souvent fort largement, en dehors du cas fortuit ou de la force majeure, les circonstances du fait susceptibles de constituer une faute juridique. Ainsi, comme l'a dit la cour d'appel de Paris (20 août 1877, Harly contre Ville de Ghalons-sur-Marne), « il serait contraire aux règles du droit et de l'équité que celui qui a éprouvé un dommage, sans aucune faute qui lui soit imputable, ne fût pas indemnisé par le propriétaire qui, en ayant le moyen, avait le devoir de prévenir l'accident. » Mais, si large que puisse être à cet égard l'interprétation des tribunaux, toujours faut-il que les circonstances du fait établissent la faute, soit matérielle, soit simplement juridique. Cette théorie de la responsabilité de droit commun avait été fer-

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mement appliquée par la cour d'appel de Douai, dans son arrêt du i3 janvier i863 (*); elle a inspiré l'arrêt de la cour de cassation du 12 août 1872 (**) et plus récemment celui de la cour de Nîmes du 27 février 1878 (***). De la responsabilité spéciale du concessionnaire de mine.— Elle dériverait « du texte, de l'esprit et de l'ensemble de la loi de 1810, notamment de la combinaison de l'article 6 avec les articles 10, 11, i5, 45 et A5 », comme l'avait dit la cour de cassation (20 juillet 18/12) (****). Sans doute, depuis le mémorable arrêtdu a3 juillet 1862 (*****), on admet bien que l'indemnité doit être simplement égale au préjudice, comme l'exige l'article 11Z19 du code civil; mais il y aura lieu à indemnité pour tout préjudice souffert par le fait du concessionnaire, sans qu'il soit besoin d'établir qu'il y ait faute de sa part, comme le disait la cour de Nîmes, le 16 janvier 186 J (affaire Bonnal contre Compagnie des forges d'Alais) (******), Sauf dans l'affaire Maurin précitée (12 août 1872), la cour de cassation ne paraît pas avoir bien résolument adopté, dans son entier, avec toutes les conséquences qui en résultent, la théorie de la responsabilité de droit commun. Si l'arrêt des chambres réunies, du s3 juillet 1862, se réfère à l'article 11/19, il n'y est absolument question, ni explicitement ni implicitement, de l'article i382. Bien plus, on pourrait peut-être trouver, dans les termes mêmes de cet arrêt, rapprochés de ceux de l'arrêt de 18/12, mentionné cidessus, une preuve que la cour régulatrice, tout en appliquant l'article 11/19 Pour Ie calcul de l'indemnité, continuait à tenir la responsabilité du concessionnaire engagée dans tous les cas, en raison des obligations exceptionnelles dérivant pour lui de la loi de 1810. Des deux arrêts des Zi août (*******) et 18 novembre i863 (****♦***), qui ont confirmé, en ce qui concerne le montant de l'indemnité, la doctrine de l'arrêt du 23 juillet 1862, le dernier reproduit à très-peu près l'arrêt des chambres réunies et ne s'appuie expliciment que sur l'article 11/19 : la doctrine du premier est plus nette, puisque la cour y déclare formellement que les articles 43 et hh (*) Supra, p. r2g. (**) Suprà, p. i3g. (*") Suprà, p. i5o. (****) i« volume de 1843, p. 863. (***"*) Volume de 1877, p. 219. (**"**) Suprà, p. 129. (""**") Suprà, p. i58.