Annales des Mines (1879, série 7, volume 8, partie administrative) [Image 39]

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JURISPRUDENCE.

complète entre le propriétaire de la surface et celui de la mine, au point de vue du tarissement des sources, car les fouilles que pratique le propriétaire de la surface dans son fonds sont tout à fait accidentelles; elles ont lieu, par exemple, pour le forage d'un puits, le creusement d'une cave, d'un réservoir; de plus, au point de vue de l'intérêt général, il profite de l'eau enlevée par lui à son voisin, de telle façon qu'il n'y a en quelque sorte qu'une transposition de richesse d'une main dans une autre ; tandis qu'au contraire, le concessionnaire de la mine pousse quotidiennement ses galeries de droite et de gauche, pour en extraire les richesses minérales, et très-fréquemment il peut intercepter les sources, en les absorbant sans aucune espèce de profit pour personne, même à son détriment personnel. Par conséquent, l'assimilation entre les deux situations n'est pas exacte. Mais, en droit, on ne peut pas non plus établir un parallélisme complet entre deux propriétés également respectables, car toutes les propriétés sont respectables, de quelque origine qu'elles proviennent. Le propriétaire de la mine ne devient propriétaire qu'en vertu de la concession qui lui est faite par la loi. Il n'en devient propriétaire qu'avec une gêne constante apportée, comme le faisait observer M. Dupin, à ce jus uti et abuti qui caractérise la propriété ; il est à chaque instant sous la surveillance de l'administration, surveillance établie dans l'intérêt du fonds supérieur; et, en second lieu, il n'est pas étonnant qu'en lui concédant des droits aussi étendus que ceux de l'exploitation d'une mine, on lui impose certaines charges qui, d'après le Gode civil, ne seraient pas imposées aux propriétaires de la surface. Enfin, messieurs, si nous considérons les données de la science, nous verrons que cette règle qui consiste à distinguer le cas où la source est tarie dans la partie supérieure de la mine, — et la jurisprudence admet la responsabilité dans ce cas, — et l'hypothèse où c'est latéralement, à quelque distance, que le tarissement se produit, nous verrons que cette distinction manque de base. En effet, le dommage en matière de mines ne se produit pas perpendiculairement, d'une façon verticale, et vous connaissez la règle qui est adoptée en pareille matière : celle de 45 degrés, un pour un. Si je creuse un fossé à 3 mètres, je devrai avoir soin d'éloigner le bord extérieur de 5 mètres, afin de protéger le talus contre les éboulements. De même, si j'ouvre un puits à i5o mètres de profondeur, par l'effet du glissement du sol, qui sera peut être mobile, il pourra se faire que le dommage occasionné par ma mine, au lieu de se

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produire immédiatement dans la partie supérieure, se produira latéralement à i5o mètres de distance. A plus forte raison, en est-il de même quand il s'agit de l'interception de nappes d'eau qui s'écoulent avec une courbe beaucoup moins grande encore que celle que je signalais. Par conséquent, vous voyez qu'en réalité, lorsque le propriétaire de la mine tarit une source qui se trouve placée, non pas dans le terrain supérieur, mais dans le voisinage de la mine, et quand il est possible aux tribunaux, par suite des rapports de cause à effet, de montrer que c'est le travail de la mine qui a amené la suppression de la source, à peine de méconnaître les droits de la surface qu'il faut concilier avec ceux du propriétaire de la mine, il serait déplorable de voir celui qui jouissait primitivement d'un terrain, dont la présence d'une source constituait en grande partie la valeur, n'avoir plus le lendemain qu'un sol aride, sans qu'il puisse demander au concessionnaire aucune espèce de réparation. Nous trouvons, du reste, messieurs, dans la loi de 1810, un précédent qui a servi à nous éclairer. Cette loi a été longuement élaborée dans le Conseil d'État et, lorsqu'on est arrivé à l'article i5, qui a pour but de prévoir quels sont les travaux pour lesquels une caution pourrait être demandée à l'occasion de dommages prévus, un des hommes qui ont exercé sur la loi de 1810 la plus grande influence, Napoléon, a fait remarquer au Conseil d'État qu'on devrait accorder le droit de demander caution pour les dommages qui seraient causés dans le voisinage immédiat, aussi bien pour les constructions que pour le tarissement des sources. Dans la séance suivante, sur cette observation, l'article i5 a été adopté. Il ne parle pas du tarissement des sources, il applique la caution, d'une manière générale, aux constructions et aux maisons d'habitation ; mais le principe général y est touché, c'est qu'il pourra y avoir une caution à donner pour toute espèce de dommages qui seraient causés dans le voisinage immédiat. Eh bien! messieurs, nous sommes actuellement des législateurs, nous n'avons pas à nous préoccuper, comme le font les tribunaux, de l'interprétation de la loi de 1810 ; nous n'avons pas à nous demander si la cour de cassation, qui s'est prononcée par un arrêt de 1872 contre les prétentions des propriétaires de la surface, a bien ou mal appliqué la loi ; la cour de cassation a statué et respect est dû à ses décisions. Mais nous faisons la loi, nous nous trouvons placés en ce moment en présence d'une révision de cet article et je comprends, dès lors, que l'honorable M. Griffe soit venu nous dire : la jurisprudence de la cour de cassation en France