Annales des Mines (1910, série 10, volume 18) [Image 221]

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DE LA CONCURRENCE EN MATIÈRE DE DISTRIBUTIONS

rie, alors que cette autorisation a été refusée par l'autorité compétente.

Lorsque le maire, pour faire respecter le privilège d'un concessionnaire, retire des permissions de voirie accordées en vue de la distribution d'énergie électrique, s'expose-t-il à des dommages-intérêts? On a soutenu l'affirmative en se basant sur ce qu'en règle générale les permissions de voirie, bien que précaires et révocables, ne peuvent cependant être retirées lorsque l'intérêt de la sécurité ou de la circulation n'en font pas une obligation. Mais le Conseil d'Etat a décidé, au contraire, qu'on ne saurait interdire à une commune de retirer une autorisation qu'elle a donnée lorsque cette autorisation a été donnée sans droit et en vue de favoriser non point dos particuliers, mais des entreprises dont le maintien aurait pour effet d'engager la responsabilité pécuniaire de la commune elle-même (Conseil d'Etat, 6 juin 1901, Goret contre ville de Bar-le-Duc). Voici dans quelles circonstances est intervenu l'arrêt : Un arrêté du maire de Bar-le-Duc du 30 décembre 1898 avait révoqué l'autorisation donnée au sieur Goret d'établir des fils électriques sur la voie publique, et cela en raison de ce qu'un arrêt du Conseil d'Etat du 24 décembre 1 897 avait reconnu que cette autorisation constituait une infraction aux droits exclusifs des consorts Jeanmaire (Société du gaz) et déclaré la ville passible de dommagesintérêts tant qu'elle n'aurait pas fait cesser le préjudice. Un procès-verbal ayant été dressé contre le sieur Goret pour infraction à cet arrêté, le juge de simple police avait relaxé le prévenu pour le motif que l'arrêté du maire manquait de base légale. La Cour de cassation par arrêt du 25 octobre 1900 avait rejeté le recours formé , contre le jugement de simple police et déclaré que 1©

D'ÉNERGIE ÉLECTRIQUE

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maire, ayant agi, non dans l'intérêt du domaine public, mais dans l'intérêt financier de la commune, s'était servi de ses pouvoirs dans un but autre que celui pour lequel ils lui avaient été confiés. Le Conseil d'Etat, sans se dissimuler le désaccord entre les deux juridictions, a reconnu, au contraire, un caractère quasi-contractuel aux permissions de voirie accordées dans ces conditions, et a estimé que la régularité de la permission de voirie est subordonnée à la validité de l'acte de gestion dont elle est la conséquence. Il a décidé en conséquence que si l'autorisation de voirie est déclarée illicite par le juge des contrats antérieurs, la commune a le droit d'en faire cesser l'effet, et le maire, en prononçant le retrait, ne commet aucun excès de pouvoir.

Mais si une ville accorde des autorisations non plus à des entreprises concurrentes de la compagnie du gaz, mais à des particuliers, elle ne contrevient pas nécessairement à ses obligations. Les règles que nous avons indiquées plus haut en ce qui concerne la concurrence entre distributions publiques et distributions particulières sont applicables en ce cas, et le Conseil d'Etat en a fait l'application dans l'espèce suivante : « La ville de Bagnères-de-Bigorre s'était interdit d'autoriser toute installation de canalisation sur la voie publique en vue d'industries ayant rapport à l'éclairage. Le Conseil d'Etat a déclaré qu'elle n'avait point violé cette obligation en permettant l'établissement de fils exclusivement destinés à transporter l'éclairage électrique de l'usine d'un particulier à une autre usine ou à la maison d'habitation lui appartenant. » (Conseil d'Etat, Compagnie française d'éclairage et de chauffage par le gaz contre ville de Bagnères-de-Bigorre, 20 novembre 1903.)