Annales des Mines (1909, série 10, volume 16) [Image 160]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

312

LES QUESTIONS OUVRIÈRES

« En ce cas, et pour peu que le patron soit juste, l'ouvrier pressent qu'il est plus libre. Il n'a point tant que l'autre à craindre de ne pas être réoccupé pour cette excellente raison qu'il n'aura point affaire à son patron, mais à un étranger dont le pouvoir ne dépasse pas celui que lui confère la loi ; et ayant ainsi plus de conscience de son droit, il ne se laisse pas aller aux capitulations contraires à ses intérêts. « Prenons comme exemple ce qui se passe dans les mines : « ... Les puissantes sociétés... échappent à la prime en se réservant de payer les rentes d'incapacité partielle, ou permanente ou de décès. « ... L'ouvrier blessé a le plus souvent, comme je viens de le dire, peur du renvoi, et il accepte de transiger dans des conditions dérisoires. S'il veut user de son droit, plaider... il est signalé comme une forte tête, tracassé parles employés jusqu'au jour où, la mine ne manquant pas trop de bras, on prend sur lui une éclatante revanche en le jetant pantelant sur le pavé. « Les ouvriers qui ont eu le courage de résister à ce régime de terreur sont en bien petit nombre. Encore auraient-ils succombé sans l'appui du Syndicat des mineurs du Pas-de-Calais, qui a prisa sa charge les frais de procédure... « Pour éviter ces conflits où la dignité de l'ouvrier, ses ntérêts, son avenir, sont en jeu, il n'y a qu'un moyen : c'est d'obliger les employeurs à assurer leurs ouvriers et à ne plus être leur propre assureur. » Ces considérations aboutissent à la proposition d'un article ainsi conçu : « Nul patron ne pourra être son propre assureur; toute coalition patronale est interdite sous la dénomination de syndicats dits de garantie. » Sans m'associer à des critiques dont l'étendue appelle les plus formelles réserves, il m'a paru essentiel de reproduire

ET LA SCIENCE ACTUARIELLE

313

ces lignes qui montrent que les sociétés d'assurance privées sont loin d'exciter en principe la défiance des travailleurs. Troisième objection. — Les sociétés d'assurance privées ne sont pas l'objet de la sympathie des patrons ; ceuxci leur préfèrent les groupements mutuels où ils jouissent de l'autonomie de la gestion et où l'absence de rémunération d'un capital diminue les charges de l'assuré. Je répondrai que : a) Le fait est exact ; mais la gestion impose des charges en retour des avantages de l'initiative qu'elle permet; b) La fixité de la prime, celle-ci fût-elle majorée, est préférée par certains à la variabilité des contributions annuelles que l'assurance mutuelle impose à ses adhérents ; c) D'une manière générale, le client d'une société d'assurance est affranchi de tout souci de gestion et de toute incertitude de versement, et il consent à payer ce supplément de quiétude comme un service dont l'assureur est en droit d'exiger la rémunération.

IV.

CONCLUSIONS.

D'après les développements qui précèdent, ce serait une grave erreur de s'imaginer que l'assurance sociale ne laisse aucun champ libre à l'activité des sociétés d'assurance privées. La justice et la logique interdiraient d'ailleurs cette mesure d'exclusion. D'une part, en effet, ce sont les sociétés d'assurance privées qui ont, par les résultats de leur initiative, inspiré ou éclairé le législateur. Sans doute, l'insertion de certaines clauses de déchéance dans les polices a pu naguère attirer l'impopularité sur les sociétés d'assurance-accidents