Annales des Mines (1909, série 10, volume 16) [Image 111]

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ROLE DE L'EAU DANS LES PHÉNOMÈNES VOLCANIQUES

chutes de cendres humides, que l'on observe souvent pendant ou après la crise volcanique, proviennent de l'humidité atmosphérique condensée dans l'air par les fines particules solides des cendres. « L'eau, conclut M. Brun(*), est un facteur inutile. Elle est inutile dans l'explosion, inutile dans la cristallisation (des roches), inutile dans la genèse générale des phénomènes éruptifs. Son rôle est tellement subordonné qu'il est quasi nul. » Il serait fâcheux de laisser ces propositions sans réponse. Je pense démontrer, au contraire, que la vapeur d'eau accompagne toujours les laves, qu'elle sort bien du cratère avec elles et les autres produits gazeux des réactions internes, qu'elle est comme eux originaire des profondeurs ignées, qu'elle joue enfin un rôle nécessaire et très important dans toute éruption. I. — H y a quelques années, j'essayais d'établir que les eaux thermales, celles du moins dont le débit, la température et la composition sont à peu près constantes, sortent presque toujours des terrains et failles volcaniques anciennes ou récentes. Je faisais remarquer que dans les régions où existent de nombreux volcans éteints ou en activité, comme en Amérique, au Caucase, en Islande, au Kamtchatka, etc., ces sources thermales se multiplient; qu'elles manquent au contraire dans les pays, même très montagneux, tels que les Alleghenys, où n'existent pas de volcans (**). A certains égards, cette démonstration, des relations qui lient les eaux thermales et les phénomènes éruptifs, serait suffisante, quoique indirecte. Mais il semble plus probant encore de voir l'eau sortir du volcan lui-même au moment de sa pleine phase d'activité. Voici à cet égard, prises entre bien d'autres, (*) hoc. cit., octobre 1906. (**) La genèse des eaux thermales (Congrès d'hydroloyie de Venise, octobre 1905, p. 801, et Annales des Mines, mars 1906, p. 316 et suivantes).

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deux observations qui répondent à ce désidératum. La première est de Humboldt; décrivant l'éruption du Vésuve de 1822, il écrit : « La nuit suivante (23 octobre) commença l'éruption de cendres et de lapilli... La vapeur d'eau chaude qui sortait du cratère se condensait, au contact de l'atmosphère, en un nuage épais haut de 9.000 pieds. Les éclairs sillonnaient en tout sens la colonne de cendres. L'éruption avait été précédée d'une sécheresse qui désola les champs. Elle se termina par l'orage volcanique mentionné, suivi d'une pluie battante. C'est là ce qui, sous toutes les zones, caractérise la fin d'une éruption. » La seconde observation a été communiquée, en 1893, par Fouqué à l'Académie des Sciences (*). « Il y a plusieurs mois, écrit son correspondant, M. E. Noguès, que le Calbuco (volcan des Andes) est sorti de son long sommeil. Il a commencé à donner des signes de son activité en émettant des colonnes de vapeur d'eau, bientôt suivies de grandes flammes sortant du cratère avec bruits souterrains, séismes, etc.. Les cendres sont des débris de trachytes, andésites et autres roches qui contiennent de l'eau. Portées à haute température, elles font explosion, éclatent et se réduisent en poussière... L'éruption du Calbuco a rejeté des quantités si considérables de vapeur d'eau que les conditions atmosphériques ordinaires en ont été profondément modifiées. Il y a eu des pluies anormales très abondantes, avec un ciel chargé de nuages, état bien différent de l'état normal du pays. » Voici donc, prise sur le fait, la production éruptive de l'eau, soit qu'elle sorte du cratère avec la flamme ou les laves, soit, ce qui est plus probant encore, si possible, que sa vapeur fasse exploser les blocs et bombes rejetés par (*) Comptes rendus, t. CXVII, p. 866; t. CXVIII, p. 372.