Annales des Mines (1908, série 10, volume 14) [Image 108]

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LES CABLES SOUS-MARINS

Une fois le calme revenu, le navire se met en marche et décrit une parallèle au câble à partir de la bouéemarque, en s'éloignant du point de chute ; à environ 2 milles de la bouée-marque, il immerge une seconde bouée. On détermine soigneusement la distance qui sépare les deux bouées, et cette longueur devient une base d'opération. Il serait maintenant possible d'entreprendre les opérations de dragage ; mais, en général, on préfère immerger auparavant une troisième bouée, que l'on place de l'autre côté du câble par rapport aux deux premières et à 2 ou 3 milles du point de chute (côté du câble). On obtient ainsi un triangle; on en mesure les deux côtés que l'on ne connaît pas et, la triangulation faite, on commence les dragages. On s'efforce d'accrocher le câble à environ 1 mille du point de chute, en faisant croiser lentement le navire entre la deuxième et la troisième bouée. Le navire traîne à sa suite une touée en filins de drague, supportant un grappin ; le filin de drague part du tambour de la machine de relèvement et passe sous la gorge d'une poulie de dynamomètre. L'index du dynamomètre traduit les péripéties de ce labour dans la vase du fond. Si le terrain est uniforme, le grappin fait un sillon régulier et la tension indiquée par le dynamomètre se maintient invariable. Si, au contraire, le terrain est accidenté, rocailleux, les sauts du grappin sur le fond provoquent des à-coups à l'index du dynamomètre. La dent mord-elle sur un obstacle, il peut arriver qu'elle se casse ou que le grappin se renverse : la tension s'annule. Si, au contraire, la dent résiste, le navire n'avance plus, ne gouverne plus : il est à l'ancre. Dans ce dernier cas, on change de grappin ; on en descend un

FABRICATION DE LEUR ARMATURE ET POSE

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spécial, sorte de passe-partout à contre-dents, qui mord moins dans les rochers et néanmoins arrive à saisir le câble. Ces dragages coûtent souvent des grappins, des bouées, du filin. Le travail ne cesse ni jour ni nuit. Les dragages successifs sont effectués en croisant chaque fois un peu plus loin du point de chute et sur une longueur un peu plus grande. D'incessants relèvements, faits la nuit à l'aide des fanaux des bouées-marques, permettent de reporter très fidèlement sur les cartes la série des croisières. Toutes ces opérations sont coûteuses, longues (*), pénibles, quelquefois décourageantes. L'ingénieur qui les dirige assume une lourde responsabilité : la moindre faute dans ses évaluations, la moindre erreur de coup d'œil entraînent des pertes considérables pour la Compagnie qui l'emploie. Quand enfin le grappin saisit le câble, l'index du dynamomètre, cessant brusquement ses allées et venues désordonnées, se met à monter d'une façon lente, mais continue; il marque sur l'échelle 4, 5, 6, 7 tonnes. On arrête le navire et l'on remonte la bouée ; pendant un instant, le bateau reste immobile, et la tension croît régulière-, ment. Un soubresaut du dynamomètre, marquant une petite chute de tension, indique l'instant où le bout libre se dégage; à partir de ce moment, les deux brins n'exercent plus sur le grappin des tractions égales, et le navire se déplace, entraîné d'un côté par le câble. A l'aide d'un burin et d'un marteau, on coupe l'armature sur la dent. On bosse le brin libre, et on embarque l'autre; on relie ce (*) Il est arrivé qu'en raison de la profondeur, de la nature du fond et de l'état de la mer, un navire a mis plus de six semaines pour repêcher un câble; quand on songe à ce que coûte par jour un tel navire, on comprend à quelles dépenses peut conduire la rupture d'un câble.