Annales des Mines (1908, série 10, volume 13) [Image 155]

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nappe de terrains en série normale s'est étendue sur tonte la Basse-Provence, et l'on doit la retrouver presque partout. L'étude de cette vaste nappe sera l'objet d'un autre Mémoire, de portée plus générale, et qui ne visera à rien moins qu'à la synthèse de toute la contrée ; et voici, dans le Bulletin du Service de la Carte géologique pour l'année 1899, la première partie de cet ouvrage. Elle expose les généralités et traite du massif de l'Etoile. Une deuxième partie, traitant de la Sainte-Baume et des massifs voisins, est annoncée comme très prochaine. Hélas ! cette deuxième partie et tout le restant du chef-d'œuvre ne seront jamais écrits ; et le Mémoire préliminaire de 1899 contient, sur cette région provençale qu'il a tant parcourue et tant aimée, les novissima verba du grand géologue. Heureusement, l'essentiel est dit et la lumière est faite. Nous savons désormais qu'il y a, dans la BasseProvence, une nappe, formée par des terrains en série normale, dépassant, en largeur, 40 kilomètres ; et que, sous elle, on trouve çà et là des lambeaux irréguliers et lenticulaires d'une série renversée. L'ensemble des deux séries, la normale et la renversée, a été plissé postérieurement, et accidenté de dômes et de cuvettes. Sans doute il reste beaucoup de difficultés de détail; mais la structure générale est parfaitement claire, et, de la comparaison de cette structure,, ainsi expliquée, avec les Carpathes et avec le bassin houiller du Nord, on peut tirer, pour la théorie tectonique de ces autres régions plissées, de très précieuses indications. Le Mémoire se termine par cette phrase, d'allure prophétique, qui contient en germe toutes les conceptions futures sur les relations des Binarides et des Alpes,, du traîneau écrasera- et des plis que ce traîneau a couchés et laminés sous son poids : « Beaucoup de plis couchés, parmi les plus énergiques de ceux qu'on attribue à la compression latérale, n'ont d'autre origine que les immenses traînages effectués périodiquement à la

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surface de notre planète. » On connaîtra plus tard a quel point, en matière de charriages, Marcel Bertrand a presque tout dit et presque tout prévu. Au mois de juillet de 1898, il était venu, sur ma demande, passer quelques jours dans les montagnes qui séparent Briançon de Vallouise, et nous avions essayé, de résoudre ensemble les difficultés de la tectonique briançonnaise. Jamais je ne l'avais trouvé si perspicace dans l'observation, si ardent dans la discussion, si fécond dans l'invention : il avait vu tant de pays, exploré tant de montagnes, édifié, démoli et réédifié tant d'hypothèses! Mais, si l'esprit s'était agrandi, le corps s'était fatigué. L'ascension, chaque matin, après ce repos insuffisant que l'on goûte sur la paille ou le foin des bergeries, était lente et pénible. Vers midi seulement, quand nous étions sur les crêtes et que nos regards se promenaient librement du Pelvoux au Viso, il retrouvait toute sa vigueur. La beauté du problème semblait lui donner des ailes. Il oubliait sa fatigue, et c'était moi, quand le soir approchait, qui devais l'arracher à notre dure besogne et l'obliger à descendre vers les hameaux. Parmi cent autres souvenirs, gais ou mélancoliques, de ces dernières courses communes en haute montagne, celui-ci m'est resté particulièrement présent. Le sommet delà Croix d'Aquila, 2.500 mètres d'altitude, cinq heures du soir, une journée d'or. Autour de nous, à l'infini, des cimes et puis des cimes, encore en pleine lumière, et, entre elles, des vallées déjà envahies par l'ombre. Le grand et bon Maître, à qui je rappelle vainement qu'il se fait tard et que nous sommes très loin du gîte, s'attarde à ramasser des edelweiss, dont il veut envoyer un bouquet à sa fille Jeanne. Son visage, tout à l'heure fatigué et précocement vieilli, a soudain rajeuni et s'est illuminé à contempler l'immarcescible jeunesse de ces étranges Heurs : tant est puissante, pour alléger le poids de l'existence, la seule pensée de la joie d'un être