Annales des Mines (1906, série 10, volume 10) [Image 310]

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NOTE SUR LES CONDITIONS ÉCONOMIQUES

DE L'EXPLOITATION DU SOUFRE

grevé de toute taxe les industries de la mouture, du raffinage et de la sublimation du soufre national et consolidé pour l'avenir au taux de 1905 les centimes additionnels provinciaux et communaux sur les mines (art. 24) ; enfin il a dégrevé de toute taxe les sociétés commerciales, notamment étrangères, qui se constitueraient pour exploiter des mines de soufre, des industries ou des maisons de commerce dont le soufre serait l'élément principal (art. 25). La loi permet enfin de déclarer d'utilité publique tous les travaux nécessaires à l'extension ou à la création de pareilles industries (art. 26). Telles sont les dispositions essentielles de cette loi du 15 juillet 1906. On n'a pas manqué de relever en Italie, pendant sa discussion, qu'elle n'a certainement rien d'analogue dans la législation de tout autre pays. Certains y verront peut-être le cadre d'une loi du socialisme de demain, avec la réunion et la répartition des produits enlevées aux libres initiatives individuelles pour être remises à l'État, ou à la collectivité fonctionnant sous la surveillance de l'État, suivant un cadre arrêté par lui ; et il est curieux de constater que cette forme, quelque peu teintée de socialisme, succède à un Syndicat libre, d'une forme capitaliste très moderne qui aurait en quelque sorte préparé les voies à l'autre. Toutefois, l'idée vraiment socialiste n'y est pas, parce que l'institution doit fonctionner en vue de procurer des bénéfices financiers, voire même le maximum de bénéfices possibles, à des producteurs capitalistes qui restent relativement libres dans leur rôle de producteurs. En tout cas, on ne peut dénier que cette loi ne se relie au système interventionniste le plus prononcé ; et, comme toujours en pareille circonstance, bien des clauses d'une telle charte semblent heurter, et parfois bien vivement, notamment pour la liquidation du passé, les principes tenus pour les plus certains en matière de liberté du travail, de liberté des con-

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ventions et même de respect de la propriété. Mais, d'autre part, il ne faut pas perdre de vue les conjonctures absolument exceptionnelles de cette tentative. D'un côté, il s'agit d'un produit très spécial, livré par ses producteurs dans des conditions matérielles de très grande similitude ; le produit est destiné à peu près exclusivement à l'exportation hors d'une île d'étendue relativement médiocre. D'un autre côté, l'industrie principale de cette Sicile qui gémit encore sous tant de maux était menacée sur l'heure d'une crise dont on ne pouvait prévoir les conséquences, à raison des conditions déplorables de la production actuelle où justement le vrai régime capitaliste moderne n'est pas assez intervenu jusqu'ici, et à raison, sur un marché très limité, d'une concurrence étrangère qui. née presque subitement, peut non moins rapidement devenir formidable. Qne dans cette situation un Gouvernement responsable de la paix publique prenne des mesures qui ne puissent s'abriter que sous l'adage Sains populi suprema /ex esto, trop souvent invoqué par toutes les tyrannies, qui oserait y contredire? Aussi bien, de ce que la durée de la mesure ne doit être que de douze ans on pourrait induire que l'on a songé plus à un assainissement temporaire, nécessité par des circonstances occasionnelles, qu'à une organisation définitive. La crise passée, d'autres mœurs établies, on sera sans doute heureux,, pour le plus grand profit de tous, de revenir au régime de la liberté industrielle et des libres initiatives individuelles. Le principe de la loi admis, on ne peut, du reste, que remarquer, surtout pour le peu de temps qu'il a fallu mettre à la préparer, l'ingéniosité des dispositions adoptées pour atteindre le but que l'on visait, C'est là, du reste, chose dont est coutumier le droit italien moderne en matière économique.

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