Annales des Mines (1904, série 10, volume 6) [Image 165]

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qu'il n'y a pas de pénétration de sels étrangers dans le ciment. Comment le sulfate de chaux peut-il provoquer la décomposition du mortier? Il s'en forme bien dans les couches superficielles, mais la proportion en est très faible, car il est complètement décomposé vers l'extérieur par les sels de magnésie de l'eau de mer. Cependant, en réalité, il semble que ce sont uniquement les efforts de gonflement se produisant dans cette petite croûte superficielle qui provoquent l'arrachement et les fentes du mortier. Tant que la croûte n'est pas adhérente au mortier, elle se détache sous l'action de ce gonflement sans porter aucun préjudice à la résistance intérieure de la masse ; mais une fois que, par suite de l'élimination partielle de la chaux, elle commence à se précipiter dans les pores de la couche superficiélle et à devenir complètement adhérente au mortier, ces gonflements se traduisent par des efforts qui arrivent, sous l'action du temps, et par le mécanisme indiqué plus haut, à ouvrir des fentes dans le mortier. Les fentes sont uniquement provoquées par l'expansion de la croûte superficielle infiniment mince qui joue le rôle d'une enveloppe de caoutchouc adhérente au mortier et comprimée sur elle-même. Sous sa pression continue, les mortiers, par le mécanisme indiqué plus haut, se déforment progressivement jusqu'au moment où une fente s'ouvre. A ce moment, les sels pénètrent dans la fente, et les deux lèvres de la fente se recouvrent d'une couche sulfatée semblable, qui se met à travailler à son tour, augmentant peu à peu la pénétration de la fente vers l'intérieur de la masse. Si, au lieu d'envisager une briquette de forme géométrique et convexe, sur laquelle la croûte en question ne peut se former qu'à l'extérieur, on envisage un mortier irrégulier, comme cela a toujours lieu dans les travaux, présentant des solutions de continuité par lesquels il peut être imprégné d'eau de mer jusqu'au centre, la croûte se

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formant à l'intérieur des cavités creuses se trouvera dans des conditions bien plus favorables pour faire travailler son action expansive. Il serait intéressant de répéter les expériences précédentes sur des briquettes perforées pour voir si la destruction ne marchera pas plus rapidement. Une expérience bien simple prouve la réalité de cette intervention de la croûte superficielle dans la désagrégation des mortiers. Croyant accélérer cette décomposition en supprimant les croûtes superficielles plus ou moins imperméables, j'ai essayé de brosser tous les jours des échantillons immergés dans des solutions sulfatées, de façon à maintenir toujours une surface du mortier à vif. Des échantillons semblables étaient conservés pendant ce temps dans les mêmes solutions sulfatées, mais sans y toucher. Contrairement à toutes mes prévisions, tandis que les briquettes immergées en repos dans les solutions sulfatées se sont très rapidement décomposées et détruites, dans l'espace de quelques semaines au plus, celles qui ont été frottées tous les jours se sont conservées sans aucune espèce d'altération apparente; elles sont encore intactes depuis plusieurs mois. Il est probable, il est même certain qu'elles perdent de leur chaux par diffusion et que la solidité de la masse doit diminuer, mais aucune fente, aucun gonflement ne s'est encore manifesté. Si l'on admet, — ce que mes expériences semblent bien établir, — que tous ces phénomènes de décomposition des ciments à la mer, tant l'élimination de la chaux par diffusion que les gonflements, sont sous la dépendance d'une petite croûte, imperméable et plus ou moins expansive, de quelques dixièmes de millimètre au plus d'épaisseur, on comprendra combien les phénomènes globaux de décomposition des mortiers doivent sembler capricieux. Ils sont sous la dépendance des conditions de production et de destruction de cette petite couche, qui est en état detrans-