Annales des Mines (1904, série 10, volume 5) [Image 131]

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NOTICE SUR M. A. PARRAN

géologique, 1890, 3 e série, t. XVIII), où d'un menu fait, soigneusement relevé, il déduit l'origine des sources d'eaux douces dans les sables salés du littoral et indique l'application pratique de cette idée dans l'antiquité, en montrant en outre, par là, l'étendue de son érudition littéraire. Si passionné des seuls faits et de leurs déductions vérifiées que parût cet homme sous l'influence, semblaitil, de l'action industrielle dans laquelle il vivait, il ne se refusait pas à se lancer, lui aussi, « dans le rêve géologique » qu'invoquait sur sa tombe un des plus brillants maîtres de la science contemporaine ; mais dans son rêve il cherchait plus encore une application utile pour l'industrie extractive qu'un progrès dans l'évolution scientifique. 11 s'était ainsi essayé aux problèmes de la morphogénie au point d'être félicité publiquement par de Chancourtois(*), ce maître « du rêve géologique » ; il s'était attaqué également aux mystères de la genèse des gîtes métalliques (**). Ces questions l'attachaient au point que lui, qui cultivait systématiquement la brièveté dans les publications, il avait écrit en 1888 un mémoire, relativement étendu, de quelque 80 pages, sur VEvolution métamorphique des roches basiques et leur contribution à la formation des dépôts filoniens et sédimentaires. Il ne voulut pas publier ce travail ; il s'était borné à le faire autographier à quelques rares exemplaires pour le distribuer aux amis les plus intimes que ces questions intéressaient. Son système, qui ne valait ni plus ni moins que les autres, consistait à rechercher l'effet sur les masses profondes de la double action de l'eau superficielle qui (*) Relations des cours d'eau dans les régions accidentées avec le système de fractures, failles et filons (Bulletin de la Société géologique, 1883, 3° série, t. 11). (**) Observations sur la genèse des minerais de Mokta, dans la séance du 19 juin 1893.

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descendait et des émanations gazeuses qui remontaient. La conséquence se différenciait suivant l'espèce des roches basiques de fond qui entraient en jeu; d'où résultaient des venues métalliques diverses. Les gîtes métallifères, dans cette théorie, étaient, du reste, produits par des dépôts d'eaux thermominérales venuesjoer ascensum. La Société géologique avait tenu à l'avoir pour Président, et, suivant ses usages, elle l'avait d'abord désigné comme premier vice-président en janvier 1883. Le président pour cette année était Charles Lory, de Grenoble, qui venait rarement à Paris; Parran présida donc la plupart des séances, en sorte que, pendant deux ans environ, il a effectivement dirigé la société. Ce fut pendant sa présidence que mourut Louis Gruner, auquel le liait, depuis les débuts de sa carrière à Saint-Étienne, une amitié déférente. Se conformant aux meilleures traditions de la société, Parran présenta, dans la séance annuelle, une notice étendue (*) sur l'œuvre géologique, effectivement si importante, de Gruner; on sentait dans ce travail son souci de marquer sa respectueuse déférence à ce maître ; le soin qu'il y mit honorait également l'auteur et celui qui en était l'objet. Parran n'avait pas seulement une culture scientifique. C'était un esprit délicat en toutes choses, un fin connaisseur en matière artistique. De bonne heure il s'était plu à recueillir, avec un goût très sûr, les vieilles faïences de Moustiers et de Marseille et les beaux meubles anciens dont il ■ avait garni sa campagne de la Liquière et son domicile à Paris. Ces meubles rares et si purs, ces gravures délicieuses, en état si merveilleux, n'étaient que l'ornement et le charme de son domicile. Sa vraie passion, c'étaient les livres, qui avaient fait de lui un bibliophile de (*) Notice sur les travaux géologiques de Louis Gruner (Bulletin de la Société géologique, 1884, 3" série, t. XII).