Annales des Mines (1897, série 9, volume 11) [Image 186]

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NOTICE SUR LA VIE ET LES TRAVAUX

DE M. MASSIEU

« en relevant une faute de Lagrange, qu'elle peut se glisser sous la plume du plus illustre géomètre. « Est-ce à dire qu'il faut se défier du raisonnement dans la science et le mettre en tutelle ? Non, assuré-

puisse en établir immédiatement l'exactitude et la por« tée d'une façon indiscutable. Il faut alors les admettre comme choses très probables et à l'état de postulata; mais aussi il ne faut pas négliger de vérifier par l'expérience un grand, nombre des conséquences qu'on en

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ment ; mais il faut, avant d'en tenir les conclusions pour « sûres, en éPlucher soigneusement le point de départ, s'assurer si ce point de départ est incontestable et bien défini et s'il ne s'y 'est pas 'glissé quelque subterfuge spécieux ou séduisant ; c'est dans le point de départ qu'est pour chaque théorie toute la difficulté, 'et d'est pour n'y avoir point pris garde souvent que des raisonnements irréprochables en eux-mêmes ont conduit aux résultats les plus erronés. « A quels caractères pourrons-nous donc reconnaître que le point de départ de nos raisonnements, 'c'est-àdire nos principes scientifiques, méritent toute confiance et qu'on peut en poursuivre toutes les 'conséquences sans inquiétude ? Quelles 'peuvent être, pour autrement

parler, les bases sûres de toute théorie scientifique ? Nous répondrons hardiment : les faits seuls de l'oliservation et de l'expérience. Il n'y a pas pour l'homme d'autre moyen de connaître les lois de la nature ; c'est là le seul fondement de toutes nos connaissances scientifiques et même philosophiques, et en somme la science

n'est pas à mes yeux autre chose que la révélation naturelle perçue par nos sens, et puis méthodiquement coordonnée et raisonnée: « C'est ce que pensait Bacon, le plus grand philosophe peut-être de tous les temps, et c'est la Méthode qu'ont suivie les deux plus grands génies scientifiques que le monde ait connus, Newton et Cuvier. « Mais lés faits d'expérience et d'observation que l'on

.« peut placer au frontispice d'une science ne sont pas toujours assez nets, assez précis, surtout assez simples et assez purs de tout mélange étranger, poùr que l'on,

« déduit par le raisonnement, et ce n'est qu'après ces «' vérifications multipliées que les principes qui servent de

base, de point de départ, à une théorie, peuvent être proclamés absolument certains.

« La géométrie elle-même, la science exacte par excellence, n'échappe pas à cette règle, et il est bon de le remarquer en passant Si M. Massieu n'a pas écrit davantage, c'est par excès de scrupule. Il était difficile pour 'lui-même et trouvait rarement ses idées dignes d'être publiées. Il avait le véritable esprit, scientifique, qui consiste à n'être jamais satisfait,' et il estimait que l'on doit avoir assez le respect de

son lecteur pour ne lui présenter que des uvres creusées:.à fond et rigoureusement mises au point. Aussi les ouvrages sortis de sa plume ne peuvent donner qu'une faible idée du travail acharné auquel il s'est livré pendant toute sa vie.

M. Massieu n'était pas seulement un. professeur de grand mérite; c'était aussi un conférencier éloquent, qui s'entendait à faire vibrer son auditoire. Il choisissait volontiers comme thème l'une de ces questions philosophiques qui avaient tant d'attrait pour lui et sur lesquelles il aimait à porter ses méditations. Dans un discours

qu'il fut chargé de prononcer à la rentrée des Facultés Rennes, il déplore la scission qui s'est établie entre ,la science et la philosophie, ces deux branches des connaissances. humaines si bien faites pour s'entendre et se prêter un mutuel appui