Annales des Mines (1895, série 9, volume 8) [Image 308]

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NOTICE HISTORIQUE

coup sur le genre de recherches auxquelles il convient de se livrer dans les occasions rares où l'on touche passagèrement des terres inconnues. Le petit nombre de ceux qui s'occupent alors de minéralogie croient s'acquitter en rapportant quelques échantillons choisis avec plus ou moins de discernement, dans le nombre de ceux qui ont attiré leur attention par leur aspect nouveau ou singulier. Ce n'est point des morceaux de cabinet qu'il nous faut. Quand même il en résulterait la possession de quelques espèces nouvelles, cette acquisition ne remplacerait pas les connaissances générales que de pareilles expéditions devraient nous procurer. Les détails de litho-

SUR PIERRE-LOUIS-ANTOINE CORDIER.

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paix, c'était peur peu de temps. Les révolutions du monde pouvaient offrir aux ambitieux, en 1803, d'autres triomphes que ceux de la sciènce, aux ennemis de l'oisiveté d'autres chemins que celui des sommets déserts, aux esprits curieux d'autres fascinations que le spectacle de la nature.

Heureux de voir ce qu'il avait cherché avec tant de fatigues, Cordier savait aussi profiter des rencontres imprévues. Un jour, il aperçut dans une rue de Salzbourg

des murailles en marbre rouge riches en empreintes de fossiles dont la présence semblait résoudre un important problème. Il n'hésite pas , marchande la façade d'une

logie seraient la part du minéralogiste sédentaire, si jamais la contrée lui offrait ce refuge. Maintenant, et avant tout, c'est le coup d'oeil du géologue que nous

petite maison, l'achète, la paye en vidant sa bourse,

appelons sur la constitution de l'hémisphère austral. »

massifs qui figurent dans nos galeries. Il aurait été plus

dirige lui-même les travaux et, sans déranger les habi-

tants, enlève et expédie au Muséum cinq fragments

Cordier, pendant ses tournées, libre du souci des

économique peut-être de rechercher la carrière, qui

affaires, pourvu que les nouvelles de sa famille fussent bonnes, s'abandonnait aux études scientifiques et aux inspirations esthétiques de la route. Dans ses carnets de voyage, la géologie, comme il est juste, règne sans partage, mais l'imagination et le coeur les lettres de Cordier l'attestent sont toujours prêts à prendre leur part. Quant à son corps, il l'expose aux privations et

n'était pas loin ; mais la passion ne raisonne ni n'attend.

aux fatigues avec la plus complète indifférence. Il écrivait en 1803, au haut du pic de Ténériffe : « Je donne quelques moments à la vive satisfaction et à l'es-

« Dimanche, écrit-il à Mme Cordier le 6 juillet 1830, j'ai fait une longue et fatigante journée en allant par les Eaux-Bonnes à Cauterets ; il y a deux cols à monter et à passer dans un pays perdu. Arrivé avec mon guide et mes deux chevaux au sommet du premier col, je vois mon guide tomber comme frappé d'une balle et rouler la tête ensanglantée à travers les pierres du précipice que nous avions à descendre en le tournant ; je me jette après lui, et je suis assei heureux pour l'arrêter au moment où, glissant la tête en bas, il était retenu par une petite saillie. Mon embarras fut grand pour le maintenir et le

prit d'enthousiasme que m'inspire ce grand spectacle, Quelle compensation pour les fatigues passées! Quelle place pour réflechir aux révolutions du globe! Quels doux moments de repos ! Quelle satisfaction d'être apte à éprouver de si grandes et si rares jouissances, d'avoir eu le courage de les chercher au lieu de végéter comme tant d'autres et de mener une vie obscure! » Le jeune enthousiaste exagère. Si l'Europe était en

, malgré les sévérités administratives de « l'ogre Cuvier », remboursa à Cordier ses dépenses.

Le Muséum

Quoiqu'il ne fût pas riche, c'était son moindre souci.

Les lettres de Cordier, toujours brèves pendant ses tournées, contiennent, à l'occasion, des digressions gracieuses ou émues.