Annales des Mines (1895, série 9, volume 7) [Image 147]

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286 NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR ERNEST MALLARD.

où les centres forment précisément un réseau cubique. Mallard remarque d'ailleurs que cette conséquence est en harmonie avec un autre fait important : la variation, suivant les directions, des propriétés physiques des corps, est toujours suffisamment exprimée par un ellipsoïde ; et l'observation démontre que, j amais cet ellipsoïde ne s'écarte beaucoup d'une sphère, la différence des axes extrêmes dépassant rarement un dixième. Il paraît donc naturel d'établir une distinction entre le. réseau physique, celui-là cubique, des centres de gravité

moléculaires, réseau d'où dépendent presque toutes les propriétés physiques des corps, et le réseau cristallographique, sur lequel s'ordonnent les molécules de même orientation, qui ne se retrouveront, par exemple, que de trois en trois avec un assemblage pseudo-ternaire, etc.

Ce dernier réseau détermine la forme extérieure du cristal. Cela revient à substituer, aux molécules simples. de l'édifice homogène normal, des molécules complexes, formées par la juxtaposition des orientations distinctes que comporte la symétrie-limite d'un réseau. En d'autres termes, c'est la notion des corps polymères, transportée. du domaine de la chimie dans celui de la cristallographie. Et cette polymérisation, amenée par la production d'hémitropies moléculaires, est susceptible .de varier sous l'action de la chaleur et de diverses autres causes. Telle est la séduisante théorie que l'ilallard a su exposer dans cinquante pages, aussi riches en arguments de fait et en aperçus suggestifs que remarquables par la lumineuse simplicité de la forme. « J'ai pensé, dit l'auteur en terminant, que ces hypothèses, présentées d'ailleurs avec la réserve nécessaire, étaient appuyées sur des raisons assez sérieuses pour que je puisse me hasarder à les sou-

mettre au jugement des cristallographes ». Peut être quelques-uns demeureront-ils réfractaires à la doctrine mais à coup sûr il n'y aura pas de divergences s'il s'agit

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de proclamer que jamais vues plus profondes n'ont été produites avec une plus grande modestie.

En résumé, grâce aux magnifiques compléments apportés par Mallard à l'oeuvre toute française des Haily, des Delafosse et des Bravais, tous les faits cristallographiques s'enchaînent et s'ordonnent dans une merveilleuse harmonie. A la vérité, les lois aperçues à l'origine ne sont plus que des lois élémentaires, et l'homogénéité primitivement admise ne prévaut désormais que pour de minimes portions de la matière. Mais les groupements de ces parties homogènes obéissent aux mêmes principes généraux ; si bien que les anomalies constatées, au lieu d'ébranler la théorie, semblent au contraire la confirmer à peu près comme l'analyse des perturbations planétaires a fini par apporter son témoignage en faveur de la loi de l'attraction universelle, que ces irrégularités avaient paru mettre en échec. Même on peut se demander si la philosophie naturelle ne gagne pas, au lieu de perdre, à cette apparente complication. N'est-ce pas un nouvel argument à, l'appui du

grand principe de la moindre action ? Puisque la tendance vers l'acquisition d'une symétrie supérieure, qu'accusent si bien les groupements cristallins, s'explique d'elle-

même, si l'on remarque qu'un corps est d'autant mieux défendu contre la destruction que sa résistance est mieux équilibrée suivant les diverses directions de l'espace. Lors même que les théories de Mallard n'auraient eu d'autre résultat que de faire naître un grand mouvement d'idées, et de provoquer d'innombrables recherches, qui se sont traduites pour la science en progrès aussi rapides qu'inattendus, le nom de l'auteur n'en devrait pas moins être cité parmi ceux des premiers savants de l'époque (*). Mais son action a été plus décisive encore, et il est permis Wyrouboff, /oc, cit.