Annales des Mines (1894, série 9, volume 5) [Image 6]

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SUR UN GISEMENT DE PHOSPHATES

rifles , d'orbulines , de nummulites calcaires , de diato-

mées et radiolaires siliceuses, qu'empâte une argile ferrugineuse; la production de la terre végétale et arable, elle-même sans cesse transformée par les microbes et les algues dont elle est richement pourvue, etc., sont des exemples connus de ces formations dues à la vie des plantes ou des animaux, ou du moins fortement modifiées par elle. La genèse et le dépôt des terrains et roches phosphatées les plus modernes et, comme on le verra, des nitres naturels eux-mêmes, sont de nouvelles preuves de l'intervention puissante de la vie en géologie. Aux estuaires des grands fleuves, et non loin des rivages de certaines mers, les êtres vivants incessamment reproduits: algues, mollusques, poissons, etc., ainsi que leurs déjections, attaqués par les organismes de la putréfaction, laissent de leurs principes constituants la partie minérale qui, en s'accumulant dans des conditions favorables, forme ces lits continus de phosphates calcaires mêlés d'argile et de sable qui, encore à l'heure actuelle, se produisent, non loin des côtes de l'Atlantique australe, ainsi que viennent de le constater des sondages récents. C'est de la formation de ces phosphorites d'origine animale ou végétale, roches ou sables qui sur certains points, comme dans la Somme, prennent une grande importance en superficie et quelquefois en profondeur, que nous nous occuperons particulièrement dans ce Mémoire. GISEMENT DE LA GROTTE DE MINERVE.

En 1882, des recherches entreprises avec mon frère sur la constitution géologique des versants sud et nord de la grande vallée de l'Aude, entre les Corbières et la Montagne-Noire, nous amenèrent à étudier les formations calcaires des coteaux situés à l'extrémité sud-ouest.

DE CHAUX ET D'ALUMINE.

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du département de l'Hérault et la nature des terrains sous-jacents. Ces collines, qui portent les villages de La Livinière, Félines , Sirac , Cesseras , la Caunette , Fauzan , Mi-

nerve, etc., sont couronnées de larges plateaux arides, ou Causses (*), d'une altitude moyenne de 300 mètres dans

cette région. Ils sont formés par une large nappe de nummulitique, ou plutôt de calcaire à alvéolines appartenant à la base de l'éocène moyen, nappe de 35 à 40 mè-

tres de puissance légèrement inclinée sur l'horizon et tout à coup rompue par une coupure profonde de 40 à 120 mètres, orientée Nord 45° Ouest. Dans cette faille à parois presque verticales coule la rivière torrentueuse de la Cesse, après qu'elle a parcouru, dans les parties supérieures du pays, les formations cambriennes et dévoniennes de la région de Ferrals-des-Montagnes. Non loin du hameau de Fauzan, sur les rives escarpées de la double muraille du torrent, à 75 mètres environ au-dessus

de son lit actuel, on voit la nappe nummulitique qui forme les Causses rencontrer en stratification discordante la roche dévonienne sous-jacente, roche silico-calcaire, cristalline, très dure, dont les pointements bleus verdâtres apparaissent sous les bancs du calcaires à alvéolines.

Entre les assises de cette dernière roche, inclinées de 9° sur l'horizon, et le dévonien qui est au-dessous, existe un terrain de quelques centimètres à quelques mètres d'épaisseur qui est venu remplir et égaliser les ondulations de la roche dévonienne sous-jacente et combler les fissures ou failles secondaires des assises nummulitiques appuyées sur le dévonien. Ce terrain de rem-

plissage est formé d'une argile rougeâtre ou bleuâtre entremêlée de concrétions gypseuses ou calcaires et de (*) On donne dans le pays ce nom de Causses aux grands plateaux arides et faiblement inclinés qui, pendant plusieurs lieues, s'étendent sur toute cette région.