Annales des Mines (1889, série 8, volume 16) [Image 225]

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400 LA GARANTIE D INTERÉTS ET SON APPLICATION

charges des contribuables. Pour toutes ces entreprises, il n'y a pas lieu de compter, au moins d'ici à très longtemps , sur un développement des recettes de nature à diminuer le montant annuel des appels faits au Trésor, et chaque année des conventions nouvelles viennent accroître l'importance des dettes ainsi contractées. C'est donc par 80 ou 90 millions que se chiffreront,

pendant de longues années, les sommes à débourser annuellement pour les garanties d'intérêt, et, bien que

ces allocations n'aient que le caractère d'avances, il serait très imprudent de faire actuellement état de leur remboursement. Il semble indispensable, dans cette situation, de les considérer comme une des charges normales du budget, et de les faire rentrer dans les crédits à couvrir au moyen des ressources ordinaires de chaque exercice. Depuis quelques années, on a fait de la garantie un des services spéciaux du Trésor, assuré au moyen de l'émission d'obligations à court terme; ce système pouvait se justifier, lorsqu'on avait lieu d'espérer, pour une partie des avances, un remboursement assez rapide pour constituer un actif sérieux, en regard des charges de ce service spécial. Continuer à l'appliquer dans la situation actuelle, ce serait en réalité fausser les budgets, en imputant sur fonds d'emprunt des dépenses qui ont malheureusement un caractère presque permanent, et dont le remboursement, très lointain dans tous les cas, est même absolument impossible pour une fraction fort importante. Des observations dans ce sens ont déjà été présentées par le rapporteur du budget des travaux publics pour l'exercice 1889. Il est très désirable que les pouvoirs publics comprennent bientôt la nécessité de renoncer à une pratique fondée sur des motifs qui ont cessé d'être en accord avec les faits. Conclurons-nous de ce qui précède que la garantie d'intérêts est une combinaison condamnée par l'expé-

A L'EXÉCUTION DES TRAVAUX PUBLICS.

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rience, et que son emploi a été une erreur ? Non sans

doute. La garantie d'intérêts a donné les moyens de constituer notre réseau de chemins de fer, puis de l'étendre , dans des conditions en somme avantageuses ; elle fournit souvent une solution très satisfaisante du problème de l'association de l'État et de l'industrie privée, pour l'exécution des travaux publics, en réunissant la solidité du crédit public avec l'esprit d'initiative et

d'économie qu'on trouve surtout dans les entreprises particulières. Mais, pour que cette association procure réellement ces avantages , il est indispensable qu'elle conserve son caractère, et que le concessionnaire ne soit pas transformé en un simple régisseur pour le compte de l'État. Garantir un revenu à une compagnie ou à un

syndicat, c'est l'exonérer de certains risques dans la réalisation de ce revenu; ce n'est pas, ce ne doit pas être, lui attribuer un revenu qu'il lui serait éternellement impossible de trouver dans les recettes de l'entreprise.

C'est ainsi que la garantie a été conçue vis-à-vis des grandes compagnies. La préoccupation des pouvoirs publics et de l'administration doit être, aujourd'hui d'éviter que les suites de la crise commerciale et industrielle que nous venons de traverser, et qui semble à son terme, déjouent les prévisions, et enlèvent à ces compagnies tout espoir d'échapper un jour à la garantie. La situation d'aucune d'entre elles, à cet égard, n'est actuel-

lement désespérée; mais celle de plusieurs pourrait le devenir, et c'est là un mal qu'il faut absolument prévenir. Nous l'avons _déjà dit, fallût-il faire pour cela certains sacrifices, il y aurait encore avantage à se imposer, afin d'éviter les déplorables résultats qu'entrai-

nerait la négligence, engendrée par le découragement, dans des gestions dont le budget annr el se chiffre par plus d'un milliard. Tome XVI, 1889.