Annales des Mines (1885, série 8, volume 8) [Image 62]

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ÉTUDE SUR LE TERRAIN GLACIAIRE

DES PYRÉNÉES-ORIENTALES.

Lorsqu'on pénètre dans la vallée de la Têt en amont d'Ille, on ne peut manquer de remarquer de puissants dépôts caillouteux, entassés sur la rive gauche et y formant des collines importantes, ou couronnant celles dont la base est formée de roches en place. Ces dépôts sont composés de blocs de granite ou de

houlis qui se reconnaissent aux caractères que nous venons de décrire, ainsi que celles d'alluvions dues aux dépôts formés par la rivière de la Têt. Tout au plus pourrait-on les comparer aux dépôts

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H. Des dépôts glaciaires.

gneiss, plus ou moins arrondis aux angles, dans les parties inférieures de la vallée, et qui deviennent de plus

en plus anguleux à mesure qu'on s'élève. Les blocs de schiste sont plus rares; cela se conçoit, car, en raison de leur friabilité, ils ont été pulvérisés après avoir subi un trajet assez long. On y rencontre, en outre, de nombreux blocs de minerai de fer. Ces blocs sont disposés de la manière la plus irrégulière dans une masse de boues plus ou moins agglutinées et de nature principalement argileuse ; le sable vrai, siliceux ou autre, ne s'y trouve pas.

A certains endroits, notamment dans les vallées de Clara, de Taurinya et d'Aytua, les collines dont il vient d'être parlé présentent des escarpements verticaux qui en font voir la composition intérieure sur de grandes hauteurs. On constate ainsi que ces dépôts ne sont pas superficiels, mais qu'en beaucoup d'endroits ils forment la colline tout entière. Dans ces cas, les blocs de pierre

y sont plus rares et l'épaisseur totale est formée de terres argileuses. On ne peut manquer d'être frappé de la grande épaisseur de ces dépôts incohérents où toute trace de stratification fait défaut. Les éléments n'y sont pas, d'ailleurs, disposés par ordre de grandeur, et l'on y voit les gros

mêlés aux petits dans un ordre quelconque suivant la verticale. On doit donc immédiatement écarter l'hypothèse dé-

laissés par la rivière après une forte crue pendant laquelle elle entraîne, pêle-mêle, des débris de toute sorte ,et de toute dimension, et qu'elle laisse à nu lorsque le volume des eaux a repris son état normal. Nous allons donner d'abord les raisons qui doivent faire rejeter cette hypothèse et ensuite celles qui nous permettent de fixer, d'une manière positive, l'origine de ces dépôts.

Quoiqu'il en soit, l'hypothèse de Dufrénoy, que ces dépôts forment des terrains d'alluvion, nous paraît devoir être rejetée en raison même de leur composition intime, que nous avons fait connaître. Il y en a une autre encore: c'est l'altitude à laquelle s'élèvent ces dépôts, altitude

qui a dû être bien plus considérable dans les temps passés, avant que les ravinements puissants qui s'exercent dans ces régions ne l'eussent diminuée, pendant un nombre incalculable de siècles. On remarquera, en effet, que le point le plus élevé du dépôt qui domine la vallée de Nyer, au delà d'Escaro, est à peu près à l'altitude 1.100 mètres, alors que le lit de la Têt n'est qu'à 600 mètres au point le plus voisin. La différence est de 500 mètres en nombre rond et l'on peut supposer qu'elle était à l'origine plus grande de quelques centaines de mètres. Comment admettre qu'une rivière,

alimentée par un bassin aussi restreint, ait atteint une profondeur de plus de 500 mètres? Cette hypothèse reviendrait à lui attribuer une largeur de près de 6 kilomètres et un débit pouvant s'élever de 6 à 10 millions de mètres cubes à la seconde. Ces chiffres sont tellement fantastiques qu'ils suffisent, et au delà, à faire rejeter l'hypothèse.