Annales des Mines (1881, série 7, volume 19) [Image 134]

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ÉLOGE DE VICTOR REGNAULT.

11 n'en était pas ainsi de la transformation du travail mécanique en chaleur et de la chaleur en travail méca-

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nique. Son laboratoire du Collège de France possède des appareils inédits auxquels il en avait longtemps demandé, mais en vain, la mesure précise. Il attendait son heure, Mais des esprits éminents s'étant engagés sur la route qu'il tardait trop à aborder, la théorie mécanique de la chaleur, une des plus nobles acquisitions de l'esprit humain, dont Sadi Carnot avait posé les bases en France, avait trouvé en Allemagne et en Angleterre de profonds interprètes. Le calcul s'était emparé du champ que ses expériences avaient défriche, quand il opposait encore à ses prétentions la marche de la méthode empirique. La chaleur dont il avait suivi, comme s'il s'agissait d'un fluide, l'entrée, le séjour et la sortie dans les matières les plus diverses et à tous les états, devenait un mouvement dont il n'avait pas accepté à temps utile la transformation en travail mécanique et la disparition. Le dernier mot de la théorie des machines à feu, que ses expériences seules permettaient de prononcer, ce n'est pas à lui qu'en restait l'honneur. D'autre part, des vues déduites d'une conception générale de la matière prenaient une large place dans la science, à leur tour. Il n'était plus question de chercher comment se comportent les gaz chauffés ou comprimés, mais d'établir comment ils devaient se comporter, étant formés de particules invisibles, d'une extrême ténuité, vibrant, tournoyant et rebondissant sans cesse avec une agilité prodigieuse. Les lois de Mariotte et de Guy-Lussac devenaient alors de pures conséquences de cette constitution. La température, dont la définition échappait à Regnault, se liait elle-même à la force vive des gaz; elle lui était proportionnelle.

Après quelques années de repos et de recueillement,

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Regnault, converti pour toujours aux idées nouvelles relatives à la chaleur, mais ne s'écartant pas de ses vues personnelles, complétait son travail expérimental, en déterminant la vitesse de propagation du son dans l'air, pour en déduire, au moyen de la formule de Laplace, le rapport de la chaleur spécifique des gaz sous pression constante et sous volume constant.

Pour se mettre à l'abri des variations qu'une couche d'air présente lorsqu'on étudie la propagation du son sur une étendue de terrain considérable, Regnault voulut opérer dans de longs tuyaux. Il n'avait pas d'ailleurs d'autre moyen à prendre, pour déterminer la vitesse du son dans des gaz purs, et pour comparer, comme il l'a fait, l'acide carbonique et l'hydrogène à l'air. L'adminis-

tration de la ville de Paris s'empressa de lui offrir les canalisations de la Marne, de la Dhuys, et celles du gaz de l'éclairage, ayant jusqu'à 5.000 mètres de longueur et représentant, avec les réflexions qu'il faisait subir à l'onde sonore, des parcours de 20. 000 mètres. Jamais des expériences de cet ordre n'avaient été tentées.

En même temps, la bienveillance particulière dont le chef de l'État entourait Regnault lui permettait d'accomplir sur le plateau de Satory une série d'épreuves, la plus belle et la plus complète qui ait été effectuée, sur la vitesse de propagation dans l'air du son produit par l'explosion des bouches à feu.

Reprenant enfin des études qu'il avait poursuivies et variées pendant vingt années, Regnault publiait en même temps, clans un troisième volume de nos Mémoires, ses recherches sur la détente des gaz et sur les rapports qui s'y manifestent entre le travail produit et la chaleur

consommée, établissant enfin, mais bien tard pour sa gloire, l'équivalent mécanique de la chaleur. Le chiffre qu'il indique est un peu plus fort que celui qu'on admet généralement. « Toutefois, ajoute-t-il, je ne regarde pas