Annales des Mines (1877, série 7, volume 11) [Image 15]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

10

11

BIOGRAPHIE.,

M. DE FRANQUEVILLE.

La feuille des états de services du jeune ingénieur, qui allait être très-rapidement remplie, recevait ainsi une première mention. Pour ne pas interrompre notre récit par des dates trop fréquentes, nous avons résumé, dans un seul tableau, les étapes parcourues par M. de Franqueville dans la hiérarchie des ponts et chaussées, dans l'administration des travaux publics, au Conseil d'État, enfin dans l'ordre de la Légion d'honneur. Ajoutons que toutes ces étapes étaient franchies sans que chez aucun camarade le moindre sentiment de jalousie se soit jamais manifesté. École des ponts et chaussées. Mais revenons à l'École des ponts et chaussées. L'instruction donnée dans cette grande École est divisée en deux parts : pendant l'hiver, des leçons, des concours et des examens ; pendant l'été, des missions sur de grands chantiers en France et même à l'étranger. Tout est disposé pour enlacer et retenir les jeunes ingénieurs dans les liens d'une camaraderie puissante que l'on a souvent critiquée, mais qui, depuis quatrevingts ans, repose sur des bases inébranlables : le dévouement au pays, l'honneur et la probité. Pendant l'hiver, les cours sont faits par des ingénieurs qui, quelquefois sans grande préoccupation de l'art de la parole et par le simple récit de leurs travaux et de leurs luttes, exercent une sérieuse influence sur leurs jeunes auditeurs. Pendant l'été, les ingénieurs accueillent leurs nouveaux camarades de la manière la plus cordiale et les initient à la pratique des grands chantiers et aux règles du

en Normandie. Les lettres nombreuses qu'il adressait à sa

service administratif.

La mission, heureux temps I La jeunesse, plus d'exa-

mens ni de concours, pas encore de responsabilité et 142,5o à dépenser par mois. Pour Franqueville , pour beaucoup d'autres, hier et aujourd'hui, c'était et c'est presque la richesse. Franqueville eut deux missions. La première en 183o, à Draguignan et à Toulon ; la seconde en 1831, à Saint-Là et

mère témoignent du bonheur qu'il rencontrait à chaque pas dans cette vie nouvelle; il voyageait, il était accueilli comme un fils ou un frère par les ingénieurs ; mais cela ne l'empêchait pas de travailler comme il savait travailler. Pendant sa mission à Toulon, Franqueville fit la connaissance d'un officier du génie un peu plus âgé que lui, pour lequel il eut toujours une vive affection : c'était le futur maréchal Niel. En attendant leurs hautes destinées, le jeune capitaine et l'élève ingénieur passaient ensemble leurs soirées à jouer aux dominos. Pendant toute sa vie, Franqueville a été un rigide observateur du devoir ; jamais il n'a transigé avec ce qu'il considérait comme la règle. Un bien petit incident, raconté

par lui à sa mère, montre quels étaient à ce sujet ses scrupules et ceux de l'oncle Beautemps-Beaupré. Il était à Saint-Lô en mission sous les ordres de M. l'ingénieur en chef Dan de la Vauterie ; survient son oncle qui désire

l'emmener, le lendemain matin à trois heures, à Grauville; mais l'ingénieur en chef était absent ; impossible de

partir sans autorisation.. En vain l'ingénieur ordinaire, l'excellent M. Tostain, dit qu'il n'y a aucun empêchement, qu'il répond du consentement de son chef. Pas d'autorisation, pas de départ ; l'oncle et le neveu se résignent. M. Tostain ne se tient pas pour battu. M. Dan devait ren-

trer à minuit ; M. Tostain va l'attendre à cette heure si anormale à Saint-Lô et lui conte l'incident. Le brave ingénieur en chef court réveiller Franqueville pour lui dire de partir. Il y a bien peu de chose dans tout ceci; cependant cette fermeté dans le devoir du jeune Franqueville, cette cordialité de Tostain, cette bonté de l'ingénieur en chef, tout cela constitue une histoire bien simple, mais une histoire qui fait honneur à ceux qui en ont été les modestes héros. Mission au conseil général des ponts et chaussées.

Après