Annales des Mines (1875, série 7, volume 8) [Image 132]

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EXPOSÉ DES TRAVAUX

de sa carrière scientifique, par des travaux de premier ordre, qui l'avaient placé à la tête de la géologie française. Sa description des Vosges, la première anatomie complète que nous possédions d'une contrée montagneuse, avait mis

en relief ses qualités d'observateur, sa pénétration et sa sagacité. Mais ce qui devait l'illustrer, ce sont ses travaux sur l'histoire de notre planète, prise dans son ensemble, travaux qui, devenus le patrimoine commun de tous les géologues, ont rendu son nom populaire dans les deux mondes.

Le premier mémoire (à ce point de vue général) d'Élie de Beaumont a été lu à l'Académie des sciences le 22 j11111 1829; son titre est « _Recherches sur quelques-unes des révo-

lutions de la surface du globe ». Il produisit une émotion considérable. Pour la première fois on disait nettement Les chaînes des montagnes n'ont pas toujours existé, elles se sont produites à des époques différentes, et l'on peut affirmer

que les Vosges existaient avant les Pyrénées, et celles-ci avant les Alpes. De plus, on en donnait des preuves si claires, qu'il paraissait à la portée, de tout le monde de le vérifier. Aussi le public savant tout entier salua cette découverte avec enthousiasme. Arago, qui paraît avoir professé jusque-là

un certain dédain pour les géologues (car il les comparait aux augures qui ne pouvaient se regarder sans rire), Arago, dis-je, s'empressa de vulgariser ce résultat dans une des notices dont il avait l'habitude d'enrichir l'Annuaire du bureau des longitudes, tandis que les représentants les plus autorisés de la géologie, Brongniart, Beudant et Brochant de Villiers,

chargés de présenter à l'Académie un rapport sur ce mémoire, proclamaient comme nouvelle cette proposition que « toutes les chaînes de montagnes n'ont pas été soulevées

à la même époque, et' qu'il est possible de distinguer et même d'énumérer ces différents paroxysmes d'élévation » . Ils s'excusent de sortir de la réserve académique dans les éloges qu'ils donnent à Élie de Beaumont, et, chose plus méritoire,

l'un des rapporteurs, qui avait été professeur «Élie de

DE M. ÉLIE DE BEAUMONT.

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Beaumont., reconnaît la justesse des vues de son disciple, et abjure les doctrines qu'il lui avait enseignées. Dès ce moment Élie de Beaumont était hors de pair, et sa place

était marquée à l'Institut, dont il devait partager les travaux pendant quarante années.

Le principe du mémoire de 1829 est le suivant : Vous savez que la partie du globe terrestre la plus superficielle, celle que nous pouvons observer, est composée principalement de couches successives de matières diverses qui ont été déposées par les eaux, comme le prouve l'arrangement des matériaux qui les constituent, ou la présence de dépouilles d'animaux marins ou d'eau douce qu'elles contiennent. Ces couches, presque horizontales dans les pays de plaine, autour de Paris par exemple, se trouvent inclinées dans les pays accidentés. Mais alors on peut prouver qu'elles ont été dérangées de leur position primitive et qu'elles avaient en réalité été déposées originairement dans une position presque horizontale, comme celles des pays de plaine. Saussure l'a démontré le premier pour une roche des environs du mont Blanc, que l'on nomme poudingue de Valorsine ; c'est un grès à pâte fine dans laquelle on distingue de gros galets arrondis, et dont la forme montre bien qu'ils ont été charriés ; mais au lieu d'être sur leur plat, ces galets sont aujourd'hui de champ, en même temps que les couches du grès qui les unit sont presque verticales. Comme il est bien certain que les galets n'ont pu être déposés clans cette position par le mouvement des eaux, il faut bien admettre qu'ils étaient originairement à plat, et que les couches de grès étaient horizontales ; puis que ces, couches ont été redressées, et que les galets se sont ainsi trouvés placés de champ pendant que les couches devenaient verticales. Dans les couches qui contiennent des fossiles, on remarque aussi que les coquilles plates sont couchées parallèlement aux couches, même quand celles-ci sont inclinées ; ces coquilles étant évidemment dans le TOME VIII, 1875.

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