Annales des Mines (1873, série 7, volume 3) [Image 105]

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NOTICE NÉCROLOGIQ UE

regard plein de vivacité était comme le reflet brillant et expressif de cette belle intelligence et de cette puissante individualité.

Tout en réformant les abus sans hésitation et avec vigueur, il montrait une bonté et une obligeance auxquelles rendraient hommage, avec une reconnaissance sincère, bien des personnes auxquelles il a ouvert une carrière ou qu'il a dirigées de ses _conseils judicieux : s'il était énergique, il -était non moins bienveillant et porté à secourir ceux qui avaient besoin d'appui. De telles qualités donnaient aussi beaucoup de charme à son commerce intime. Celui qui écrit ces lignes, qu'il lui soit permis de le dire, compte parmi ses 'souvenirs les plus précieux l'intimité qui l'a lié pendant quarante-deux années à cet homme éminent par le caractère et par l'intelligence. Cette liaison contractée au lycée, continuée à l'École polytechnique où Sauvage l'avait _précédé d'une année, fortifiée encore à l'École des mines, dans la chambre modeste où ils vivaient dans une communauté complète, n'a pu être interrompue que par la mort. Sauvage s'était marié très-jeune n'ayant que vingt-trois ans. Parmi les joies intimes qu'il ressentit dans la vie de faanale, il éproeva celle rie se voir revivre surtout dans le plus jeune de ses deux fils, dont il avait suivi les études brillantes avec sollicitude et qui sorti, comme son père, le premier de l'École polytechnique, est aujourd'hui élève-ingénieur des mines. En voyant peu de temps avant sa mort ce fils à l' oeuvre, dans le laboratoire de l'École des mines, il se trouvait rajeuni et se reportait avec bonheur aux souvenirs que ces manipulations faisaient renaître en abondance dans Sa mémoire.

Une maladie qui l'avait saisi dès l'automne de 1869, et qui d'abord n'avait pas inspiré d'inquiétudes, s'aggrava bientôt d'une manière Menaçante, à la suite des douloureux événements de 1870 et des fatigues physiques et morales

SUR M. SAUVAGE.

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les plus affectueux

qu'il subit pendant le siège. Les soins il conserva sa luttèrent en vain. Jusqu'au dernier moment, Il est mort chréliberté d'esprit 'et sa force de caractère. seulement de cintiennement le ii novembre 1872, âgé quante-huit ans et sept mois. à ses Les milliers de personnes qui se sont empressées peignaient sur funérailles, l'unanimité des regrets qui se opinions sont restés les figures et qu'exprimèrent toutes les ont été témoins. dans la mémoire de chacun de ceux qui en M. d'Ariste, a Le président du Conseil d'administration. de la comapporté l'expression émue de la reconnaissance manière si puispagnie envers celui qui avait .agi d'une dont le nom était sante et si heureuse sur sa situation et employés devenu une force et un honneur. Les nombreux ouvrir ordres voulurent en outre qui avaient servi sous ses dans le ciune souscription pour lui élever un monument metière de Charleville où son corps fut transporté. Exceller dans des facultés très-diverses est l'apanage de d'un petit nombre de natures privilégiées : Sauvage fut ce nombre. D'abord, il se distingue

exceptionnellement dans

inla voie de la science, dont il paraît devoir devenir un même vestigateur des plus distingués, et il cultive avec la Puis sagacité les mathématiques, la chimie et la géologie. tel, il excelle dans les quesil veut être ingénieur, et comme tions de tout genre qu'il aborde. Plus tard, lorsqu'il s'agit révèle de diriger et d'organiser de vastes affaires, il se comme un administrateur accompli, en même temps que dans la .conduite des hommes il se fait hautement apprécier par son tact, sa fermeté, sa résolution et son énergie. D'un bout à l'autre de sa carrière si bien remplie, Sauvage a été supérieur à tout ce qu'il a entrepris. Des qualités si différentes pourraient paraître incompatibles dans la même personnalité. Cette aptitude multiple montre aussi combien les connaissances théoriques que fournissent nos grandes écoles,