Annales des Mines (1869, série 6, volume 16) [Image 48]

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EMPLOI DES EAUX D'ÉGOUT EN AGRICULTURE.

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PROCÉDÉS AGRICOLES.

une certaine mesure, elle est fondée. Il est indubitable que les eaux d'égout de Paris ont une faible valeur, fort audessous de celle qu'on attribue en Angleterre à ces sortes de liquides. La raison en est qu'à Paris les égouts ne reçoivent pas les matières fécales ni même la totalité des eaux ménagères. Mais ce n'est point à cela que nous faisions allusion tout à l'heure, quand nous parlions de l'écart entre les évaluations : nous supposions des liquides complets, c'est-à-dire enrichis comme en Angleterre ou dans une partie de la Belgique, de toutes les déjections ; or c'est dans ces conditions, en apparence identiques, que les évaluations se montrent très-divergentes. Effectivement le prix assigné à l'eau d'égout, rendue sur les lieux d'arrosage, par les divers chimistes ou agriculteurs qui, dans le Royaume-Uni, se sont occupés de la question, varie depuis 0f,05 le mètre cube jusqu'à of,4o (*), soit dans le rapport

étaient plus ou moins nombreux, mais surtout parce que les villes étaient inégalement pourvues d'eau alimentaire. Or il est clair que si la consommation par tête est de oo litres au lieu de 100, la valeur vénale des liquides

de s à 8.

être employée à la convenance du cultivateur, quand et

Les raisons d'un pareil écart sont les deux suivantes En premier lieu, les liquides sur lesquels on a expéri-

menté avaient des richesses différentes, non-seulement parce que le drainage privé était plus ou moins répandu dans la population, et que les établissements industriels (") L'évaluation la plus élevée est celle du baron Liebig. L'illustre chimiste, faisant le calcul des éléments fertilisants contenus dans les liquides de Londres, d'après le chiffre de la population, arrive à un total de 50 millions de francs, tandis que le volume total des eaux d'égout serait de 150 millions de mètres cubes par an (lettre au lord maire, du 19 janvier 1865). Il convient même, en acceptant ces bases, de porter le chiffre de 5o millions a, 6/) millions au moins,

attendu que la population sur laquelle le baron Liebig a raisonné est inférieure à la population réelle; mais Go millions de francs pour 150 millions de mètres cubes représentent o',40 pour i mètre

cube. Empressons-nous d'ajouter que le grand chimiste a fait remarquer lui-même que l'état de dilution dans lequel se trouvent ces éléments en modifie considérablement la valeur. L'estimation ci-dessus n'est donc, dans l'opinion même de son auteur, qu'une 1 sorte de limite supérieure de la valeur possible des eaux d'égout.

d'égout s'abaisse considérablement. Mais il est facile de reconnaître que les diverses localités sur lesquelles ont porté les observations et auxquelles se référaient tacitement les personnes entendues dans les enquêtes, possédaient en effet

des distributions d'eau fort différentes. En second lieu, et c'est là une cause d'écart plus puissante encore que la précédente, les uns ont raisonné comme si l'arrosage devait être constant, c'est-à-dire pratiqué tout le long de l'année, sans tenir compte des besoins de la culture, et les autres, au contraire, comme s'il devait être intermittent ou pratiqué

seulement aux époques les plus favorables. En d'autres termes, on n'a pas distingué, selon que l'eau d'égout devait comme bon lui semblerait, ou selon qu'elle devrait être répandue obligatoirement, de façon à satisfaire avant tout aux exigences de la salubrité. Or c'est une distinction qu'il importe essentiellement de faire, car de l'avis de tous les praticiens, la circonstance est décisive et fait varier la valeur de l'eau au moins dans la proportion de i à 4. « J'aimerais mieux, dit un des homme S les plus autorisés, M. Lamies,

l'auteur des expériences de Rugby, j'aimerais mieux donner 2 deniers (of, o) par tonne dans un cas que + de-

nier (of,o5) dans l'autre. » Ces chiffres, à peu de chose près, ont été reproduits par tous les agriculteurs qui ont déposé aux enquêtes de 1864 et 1865 (*). En prenant la (*) M. Archibald Campbell, après avoir accepté le chiffre de deniers par tonne, ajoute : « Si j'étais forcé de prendre une grande quantité d'eau d'égout toute l'année, cela ne me concc viendrait pas : si je le faisais, je ne voudrais pas la payer plus («l'un farthing (1/4 denier) à 1/2 denier la tonne. » (Enquête de 1865.) M. Frédéric Wagstaff « consentira bien, dit-il, à payer l'eau

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TOME XVI, 1869.

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