Annales des Mines (1862, série 6, volume 2) [Image 337]

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LOCOMOTIVE FUMIVORE.

SYSTÈME FRIEDMANN.

chargements étaient fréquents. Elle n'a jamais fumé, même à l'instant de ces chargements. A la rampe que nous avons d'abord gravie succède, jusqu'à Saint-Denis, une pente de 0,0055. Il devenait alors inutile de donner beaucoup de vapeur et par suite de charger beau-

soit bien connue, et à laquelle on imposerait, pendant deux ou trois mois, avec la hotte, le même service qu'elle accomplit dans son état actuel. Mais, indépendamment de toute expérience, il semble manifeste qu'une machine qui brûle sa fumée est une machine qui brûle tout son charbon, et une machine qui brûle tout son charbon

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coup la grille. La machine est restée également fumivore. L'analogie des résultats est d'ailleurs facile à expliquer ; quand on monte, on brûle beaucoup de charbon, et par suite on dégage beaucoup de gaz carbonés; mais en revanche la vapeur lancée dans la cheminée est plus considérable, le tirage plus actif et l'affluence de l'air comburant plus énergique. A la descente, la quantité de vapeur émise dans la cheminée est moindre, le tirage moins actif; mais aussi la quantité de gaz à brûler est moins considérable. Le train s'est arrêté deux fois. Dans ces stationnements, le régulateur était complètement fermé ; mais on y suppléait, comme on l'a vu plus haut, au moyen du souffleur, et le mince jet de vapeur que cet appareil lance dans la cheminée suffisait pour appeler l'air nécessaire E la combustion complète des gaz hydrocarbonés. L'expérience a donc réussi de la manière lapins satisfaisante, et la locomotive de M. Friedmann est bien réellement une locomotive fumivore, fumivore à la marche, fumivore au stationnement. Il était naturel de se demander si une hotte en tôle placée au milieu d'un foyer de locomotive n'y serait pas promptement détruite. Le certificat délivré à M. Friedmann par l'administration du chemin de Ilainaut et Flandre montre qu'après un mois de service cette hotte était encore parfaitement intacte. J'ai pu moi-même constater que cette hotte n'a rougi en aucun moment de l'expérience à laquelle j'ai pris part. L'air qui afflue par la porte de chargement enlève constamment à la tôle la chaleur qu'elle reçoit du combustible incandescent, et le métal paraît ainsi protégé par sa conductibilité même. Cette préservation ne saurait toutefois être absolue. Mais, si la hotte s'use par son contour inférieur, on voit que, ne supportant aucune pression, elle pourra servir tant qu'elle ne sera ni fendue ni percée. J'ajouterai que, si sa durée était limitée à un an, la tôle est une substance assez bon marché pour que le renouvellement partiel de la hotte soit une dépense tout à fait insignifiante

à côté des avantages incontestables qu'elle doit procurer. Une question plus importante serait celle de l'influence exercée par l'appareil sur la consommation du combustible. A cet égard, je n'ai d'autre renseignement que le témoignage de la compagnie Hainaut et Flandre. Pour que l'expérience fût décisive, il faudrait qu'une compagnie de chemin de fer voulût bien adapter la hotte fumivore de M. Friedmann à une locomotive dont la consommation

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est une machine qui en extrait toute sa force motrice. La fumée est du combustible perdu ; une machine fumivore est nécessairement

une machine économique (à condition, bien entendu, qu'il n'y ait point excès dans l'admission de l'air). S'il y a bénéfice it brûler telle espèce donnée de combustible dans un foyer fumivore, il y a un avantage non moins appréciable à pouvoir brûler dans ce foyer toute espèce de combustible. Or il me paraît évident qu'avec l'appareil Friedmann les compagnies pourraient hardiment substituer au coke la houille en nature dans les trains mêmes de voyageurs. Les avantages de cette substitution sont trop évidents pour qu'il soit nécessaire de s'y arrêter. Ils ont d'ailleurs été clairement établis dans un très-intéressant mémoire de M. Couche sur le bouilleur Tenbrinck (Annales des mines, tome I de m86). 11 y aurait donc une véritable utilité publique à ce que le foyer de M. Friedmann fût mis en expérience par toutes les compagnies, et notamment par celles qui ne disposent que de houilles très-fumeuses, comme la compagnie de l'Est sur toute sa ligne, comme la compagnie d'Orléans sur une partie de son réseau. En conséquence, j'estime qu'il y a lieu, par M. le ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, d'appeler spécialement l'attention des compagnies sur un appareil dont l'essai ne leur coûtera pour ainsi dire ni peine ni argent.