Annales des Mines (1862, série 6, volume 2) [Image 285]

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EXTRAITS DE GÉOLOGIE POUR L'ANNÉE 1 861. 492 L'argile et la marne prises dans le sein de la terre retiennent toujours beaucoup d'eau de carrière et elles appartiennent essen-

tiellement aux roches humides. Les roches granitiques, lorsqu'elles sont très-compactes, comme

l'eurite de Chevigny, contiennent moins de i millième d'eau de carrière; mais lorsqu'elles se désagrégent et surtout lorsqu'elles se kaolinisent, leur proportion d'eau augmente très-rapidement. Ce sont les roches qui s'imbibent de la plus grande proportion d'eau qui en retiennent aussi le plus dans le sein de la terre: telles sont la craie, les marnes, les argiles. L'eau de carrière de la craie peut d'ailleurs devenir égale à l'eau d'imbibition; cela doit sans doute être attribué à ce que la structure éminemment poreuse de cette roche permet à l'eau souterraine de s'y répandre très-facilement par la capillarité. Quant aux marnes et aux argiles, elles n'ont pas à beaucoup près toute l'eau qu'elles peuvent retenir et elles sont loin d'en être saturées. Ce résultat est facile à concevoir pour les roches très-perméables, comme les sables, parce qu'elles laissent écouler la petite quantité d'eau qui les traverse à mesure qu'elles la reçoivent ; mais il est plus extraordinaire pour les roches imperméables ou peu perméables, comme les argiles et les marnes, puisqu'elles supportent elles-mêmes des nappes d'eau quelquefois très-puissantes par lesquelles elles sont constamment humectées. Il est probable que cela tient à leur imperméabilité même et aussi à

ce que la pression à laquelle elles sont soumises les rend trèscompactes ; on comprend, en effet, que l'eau ne puisse les imbiber que difficilement, comme cela aurait lieu, par exemple, pour une éponge fortement comprimée. Action de l'eau chaude sur les roches. Les recherches de M. Del esse ont été faites en suspendant pendant quinze jours les roches dans une chaudière à vapeur ou bien dans un cylindre recevant de la vapeur sèche. Dans le premier cas, la température ne dépassait guère 5o° ; dans le second, elle s'élevait jusqu'à 50o'. Des substances minérales variées ont été mises

dans la chaudière à vapeur. Le disthène a conservé sa couleur bleue, l'orthose pierre de lune de Ceylan et le labrador gris bleuâtre

de Finlande leurs reflets chatoyants, la topaze et l'émeraude leur transparence. Le porphyre et le granite ne se sont pas désagrégés;

ils sont restés durs et tenaces; mais le retinite, le perlite, les roches vitreuses en un mot, ont été très-sensiblement altérées à leur surface. L'expérience a montré que les substances minérales ayant la plus

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ROCHES.

grande affinité pour l'eau' à la température ordinaire peuvent très-bien ne pas se combiner avec sa vapeur. Ainsi, des chaux hydrauliques et des ciments ne se sont pas hydratés sous l'influence de la vapeur sèche ou humide. L'anhydrite a bien donné lieu à quelques aiguilles de gypse qui s'étaient développées sur certains points de sa surface et dans ses fissures; mais la partie transformée en gypse n'était qu'une très-minime fraction du poids primitif; il est très- vraisemblable que l'hydratation avait eu lieu seulement pendant la mise hors feu de la chaudière et lorsque la température était tombée au-dessous de 520" qui est celle à laquelle le gypse perd son eau.

Les minéraux se dissolvent d'une manière très-notable lorsqu'ils sont plongés dans l'eau d'une chaudière à vapeur. C'est bien facile à constater pour le spath fluor, pour la chaux carbonatée, pour la tourmaline, pour le perlite et surtout pour l'amphigène. Un séjour d'une semaine dans la chaudière suffit pour qu'un fragment de ces substances minérales perde plus de 1 p. loo de son poids. Lorsque le séjour se prolonge, le quartz hyalin lui-même est dissous et l'on remarque à sa surface de petites veines reticulées qui se dessinent en creux et suivant lesquelles il a été corrodé. Du reste, la proportion du minéral qui est dissoute dépend non-seulement de la durée du séjour dans la chaudière, mais encore de la température de l'eau ainsi que de sa composition et enfin de la finesse du grain de l'échantillon essayé. M. D classe a encore recherché si l'eau d'imbibition variait pour les roches soumises à un séjour prolongé dans l'eau d'une chau-

dière à vapeur. Il a opéré en laissant ces roches pendant deux mois dans une chaudière de Romainville qui contenait des eaux fortement chargées de sulfate de chaux : III.

Eau imbibant 'oc, parties de la roche sèche. s. Quartz hyalin de Sénaur o 3e 2. Basalte de la Ilauteloire o,33 3. Retinite noir du Cantal 5,92 4. Trachytecelluleux des bains du mont Dore .). Eurite noire de Cheyigny 6. Gneiss friable et décomposé de Fiée 7. Granite à gros grains de Semur

8,45 0,14 3,84 o,5o

Toutes les roches qui figurent dans ce tableau se retrouvent dans les deux tableaux qui précèdent (I, II). Or, on voit que l'eau d'imbibition des roches plongées dans la chaudière a généralement éprouvé une augmentation ; cette augmentation est à peine sensible pour le granite, mais elle est très-notable pour le retinite et