Annales des Mines (1850, série 4, volume 17) [Image 89]

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SAUVETAGE DE DEUX OUVRIERS.

prendre de le consolider. J'appris avec regret le changement de corde entre les deux puits, parce qu'il me privait d'un moyen simple et à peu près juste de connaître immédiatement, par la disposition de la corde, la profondeur de la marnière. Un vieux treuil apporté des environs et dans le plus déplorable état desservait le puits de secours. Du reste, aucun autre abri pour garantir les ouvriers qu'un paillasson carré de 3 mètres de côté environ, posé de champ du côté du vent, et maintenu dans cette position par deux perches. Mon premier soin fut de chercher à créer un abri convenable. Le temps était très-menaçant , la nuit sombre et humide, et le vent qui grondait

au loin annonçait déjà la tempête qui n'éclata dans toute sa fureur que le lendemain mardi soir.

Je pensai qu'une tente serait ce que je pourrais me procurer de la manière la plus prompte et la plus facile, parce que nous n'étions éloignés du Havre que de 25 kilomètres, et qu'il s'y trouve par centaines des tentes toutes prêtes, qui servent soit à abriter les marchandises le long des quais, soit à former des sortes de bureaux provisoires pour leur examen et leur livraison. j'attachais d'ailleurs beaucoup d'importance à ce que l'abri pût être dressé rapidement, avec le moins de bruit possible , et sans danger de rien laisser tomber dans le puits en travaillant au-dessus. Une tente satisfaisait à toutes ces conditions.

Je courus à la ferme et j'écrivis à M. le souspréfet du Havre pour le prier avec instances de m'envoyer de suite une tente, et de mettre sous mes ordres douze à quinze hommes de garde que je savais devoir être utiles pour avoir constamment

ENGLOUTIS DANS UNE MARNIÈRE.

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sur pied deux ou trois factionnaires, indispensables pour la garde des provisions de bouche, pour veiller à ce que le feu ne prît nulle part, et pour maintenir l'ordre, tant parmi les curieux que parmi les

ouvriers eux-mêmes. M. le sous-préfet répondit par l'autorisation de requérir la gendarmerie de Lillebonne et cinq à six pompiers de Saint-Romain. Très-heureusement pour le succès de notre opération la tempête suspendait encore ses coups, et l'après-midi du 5 a pu, grâce à l'empressement

de M. le juge de paix et de M. le maire, être très-Utilement employée, à défaut de tente, à construire une hutte avec quelques pièces de bois, des

chevrons et de la pille. Comme il faisait déjà

grand vent, le risque de laisser tomber quelque objet sur la tête des piqueurs de service a été im-

minent pendant dix heures consécutives, et ces hommes se plaignaient fréquemment qu'on ne les entendit pas lorsqu'ils demandaient quelque chose.

A 10heures du soir la couverture n'était qu'à moitié faite ; le vent soufflait si fort que les hommes

qu'on éclairait chacun avec une lanterne dont les chandelles s'éteignaient à chaque instant , couraient risque d'être renversés avec leurs échelles. Force fût d'interrompre la construction de l'abri mais non pas le travail du puits de secours qui fut continué quand même. J'avais albrs- auprès de moi M. Rollet, gardemines à Rouen, qui se trouvait en courses de service lorsque j'avais dît partir précipitamment la veille, et qui était venu me rejoindre le matin, m'apportant des objets de première nécessité que je n'avais pas eu le temps de prendre avec moi. Tome X rH, i85o.