Annales des Mines (1907, série 10, volume 12) [Image 85]

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DISCOURS PRONONCÉ AUX FUNÉRAILLES

DISCOURS PRONONCÉ

AUX

FUNÉRAILLES

DE M. HENRI BOCHET INSPECTEUR GÉNÉRAL DES MINES

Le 1 er Août 1907, Par M. AGUILLON, Inspecteur Général des Mines.

Messieurs, Lorsque l'un de nous disparait pour l'éternel repos, la douleur qui nous envahit ne peut empêcher notre pensée de se reporter vers l'œuvre réalisée, la tâche accomplie par lui, encore plus que vers le nombre d'années qu'il a vécues, pour grand que ce nombre ait été. M. l'Inspecteur Général Bochet, que je viens saluer une dernière fois au nom du Corps des Mines, en était par l'âge le doyen. 11 s'en va à quatre-vingt-cinq ans, ayant eu le mérite d'être de ceux qui auront révélé une nouveauté scientifique utile ; son nom par là restera lorsque auront disparu depuis longtemps les affections et les relations que la vie crée et que la mort supprime. A sa sortie de l'École des Mines, en 184-6, Bochet, en polytechnicien d'élite, était prêt pour toutes les voies scientifiques. Aussi ne faut-il pas s'étonner qu'après six ans passés dans divers services de province il fût rappelé à Paris pour enseigner aux Élèves externes de l'École des Mines la chimie générale d'abord, la physique et la mécanique ensuite, en même temps qu'il était chargé

DE M. H. BOCHET

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d'un service de contrôle de chemins de fer. Il avait trouvé sa véritable voie. Pendant cinq ans, de 1856 à> 1861, ayant abandonné son cours à l'École des Mines, il procéda avec ingéniosité et méthode à de lentes et patientes recherches qui lui permirent de publier en 1861 le Mémoire par lequel il montrait en quoi étaient erronée s les lois de Coulomb sur le frottement et comment elle s devaient être revisées. Le coefficient de frottement n'est pas constant, comme l'avait cru Coulomb ; il varie avec la vitesse. La découverte de Bochet, importante pour la science et capitale pour l'exploitation des chemins de fer, vint trop tôt peut-être pour son auteur, parce que les vitesses sur nos voies ferrées n'étaient pas alors ce qu'elles sont devenues, et Bochet eut toujours trop de détachement tant pour faire valoir son invention que pour réclamer une priorité incontestée lorsque, plusieurs années après, d'autres, à l'étranger, se firent des réputations par l'application de sa découverte. Promu Ingénieur en Chef à Chambéry en 1864, il ne quitta cette résidence que pour revenir à Paris, en 1881, au Conseil Général des Mines. Il s'était spécialement attaché en Savoie aux eaux minérales d'Aix-les-Bains, dont il avait la gestion technique, et il y acquit une notoriété qui le fit appeler en 1890 par le Gouvernement Roumain pour donner son avis sur le captage des sources de cette région. Bochet resta au Conseil Général des Mines jusqu'à sa retraite en 1892 comme Inspecteur Général de l re classe. Esprit original, primesautier, prisant plus les résultats et les faits que l'art des développements, il s'attachait plus à conclure qu'à exposer; mais ses conclusions valaient par l'expérience qu'il avait acquise dans sa carrière. Après sa retraite administrative, il s'était en quelque sorte retiré du monde, comme s'il lui suffisait de revivre dans ce fils dont les succès furent sa joie et sa récom-