Annales des Mines (1899, série 9, volume 16) [Image 19]

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LES MINES DU LAURION DANS L'ANTIQUITÉ

LES MINES DU LAURION DANS L'ANTIQUITÉ

Ces esclaves n'appartenaient pas toujours à celui qui

et il devait y en avoir au moins. autant en circulation dans le commerce.' En outre de cet emploi essentiel, l'argent trouvait, dans le monde grec, un grand débouché- sous forme d'objets d'art, statues, vases, bijoux, armes, meubles; etc. les temples enrichissaient sans cesse leurs merveilleux trésors d'orfèvrerie ; les particuliers satisfaisaient leur goût de ce que nous appellerions le bibelot artistique, ou leur vaniteuse ostentation de luxe. Par suite de ces applications diverses, il n'y eut jamais, malgré l'active exploitation du Laurion, surproduction

les employait ; quand on manquait de capitaux, on pou-

vait se contenter de les louer, moyennant une obole par jour (16 centimes), à des entrepreneurs, qui se faisaient une spécialité de ce négoce. L'opération était si fructueuse

pour ceux-ci, que Xénophon, socialiste à son heure, émit un jour l'idée de la faire monopoliser par l'État. En outre de la location, il fallait compter deux oboles de nourriture 'et deux oboles pour l'entretien et l'amortissement, soit au total _O fr. 80 par jour et par ouvrier. Les produits marchands du Laurion étaient l'argent, le

d'argent, et la valeur de ce métal par rapport à celle de l'or, qui était de 1 /14.vers 438, monta même à 1/10 de

plomb, le minium, l'ocre, la cadmie et le spodos.

L'argent, coulé dans des moules de terre cuite et de marbre, se vendait en lingots, que l'on appelait, suivant leurs formes, tantôt des obélisques et tantôt des dauphins (delphis), l'équivalent direct de notre expression

300 à 250.

saumon.

Quand cet argent était destiné à la frappe des monnaies, on le portait à l'A rgyrokopeion, c'est-à-dire à l'hôtel

des monnaies d'Athènes. Les pièces que l'on frappait là eurent longtemps, pour leur finesse de titre, leur régularité de poids, leur beauté de lignes, une réputation universelle, et servaient dans l'antiquité pour tous les échanges internationaux, comme purent le faire plus tard, dans un monde agrandi, les sequins vénitiens ou les piastres mexicaines. Les Romains, en imposant leurs contributions de guerre

,aux cités helléniques, avaient soin de stipuler qu'elles seraient payées en argent attique. Le monnayage absorbait des quantités d'argent, dont un détail précis montrera toute l'importance : peu avant la guerre du Péloponèse, nous savons que le trésor de l'Acro-

dont le rôle, à Athènes, se rapprochait de celui contenait attribué aujourd'hui à nos banques d'Etat, pole,

60 millions de francs (10,000 talents) en argent monnayée

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En outre de l'argent, les ruines du Laurion vendaient leur.plomb, et nous connaissons le prix de cette dernière substance en 408 : 13 francs les- 100 kilogrammes, ainsi qu'en 395 : 7 francs les 100 kilogrammes. Ces deux chiffres montrent que déjà, à cette époque, le cours des métaux pouvait, en moins de quinze ans, baisser de moitié, et, déjà également,, l'on spéculait sur ces variations. Dans les Économiques, il est question d'un personnage qui achète le plomb à 7 francs pour le revendre à 20. Ce plomb servait surtout pour la tuyauterie, pour le scellement des édifices et pour la fabrication de divers objets. Enfin, comme produits accessoires, on tirait du Laurion.des matières colorantes, telles que le kinnabari, ou cinabre, qui était en réalité du minium, et le sil attique,

qui était de l'ocre jaune, puis la cadmie et les oxydes d'antimoine (.spodos), dont on extrayait des -médicaments; enfin, de prétendues émeraudes, qui pouvaient 'être de la fluorine ou de l'adamine. En résumé, et t'est là un point d'une grande importance historique, ces mines du Laurion faisaient d'Athènes le principal et presque unique marché d'argent